Elise est artiste peintre autodidacte. Avec son projet « Les Clefs d’Elise », elle souhaite transmettre et diffuser les vertus thérapeutiques de l’art en général et de la peinture en particulier. Depuis peu, ses toiles et ses fresques sont exposées au cœur des lieux de soins, entourées de personnes vulnérables, d’autant plus perméables à la beauté. Hospichild a voulu vivre, en direct, l’expérience du beau et de l’apaisement par l’art et s’est rendu à la Cité Sérine, un hébergement thérapeutique, où Elise apposait le dernier coup de pinceau à sa toute dernière fresque colorée et envoûtante.
En entrant dans la pièce – une salle de bain somme toute banale -, il n’était pas si évident qu’une fresque y avait été peinte. Elise me fit lever le menton et je ne pus que m’ébahir de tant de couleurs et de scintillements. « Pour mieux observer la peinture, il faudrait se coucher par terre, mais ce n’est pas vraiment approprié je suppose », me lança-t-elle. « Et pourquoi pas ! », répliquais-je en m’allongeant sur le carrelage froid ; « je tiens à vivre l’expérience de la meilleure des manières ». À peine étais-je en position qu’Elise éteignit la grande lumière pour ne laisser qu’une lampe LED bleutée. C’est alors que la peinture fluorescente se révéla, m’aspirant littéralement dans les profondeurs de l’océan représenté. Elise se coucha à son tour et l’interview se déroula ainsi, nos regards tournés vers la fresque, comme hypnotisés.
Parlez-moi de cette fresque, de ses secrets…
Avant de passer à la réalisation d’une fresque, je fais d’abord un tour du bâtiment et des espaces pour décider où j’apposerai mes couleurs. À la Cité Sérine, le plafond de cette salle de bain m’a paru idéal, bien que ce fut une première pour moi de peindre la tête en l’air. Je me suis couchée par terre, dans la même position que nous en ce moment et l’inspiration est arrivée petit à petit ; car je ne sais jamais ce que je vais peindre avant de commencer. Ces deux spots m’ont fait penser au yin et au yang en forme de poissons, nageant au milieu de l’océan… Je me suis alors mise au travail en commençant par le bleu de l’eau. Au magasin, avant de commencer la fresque, et avant même de savoir ce que j’allais peindre, outre l’habituelle peinture fluorescente, j’ai été particulièrement tentée d’acheter un paquet de paillettes. Elles se sont avérées très utiles à la réalisation des écailles des poissons, que j’ai collées une à une. Tout ça est très instinctif et me dépasse bien souvent. Je suis d’ailleurs de plus en plus convaincue que l’oeuvre existe déjà par ailleurs, avant même d’exister concrètement.
Je ne fais que capter l’énergie et la laisse me traverser en reproduisant ce que je perçois et ressens. Il faut un certain lâcher prise pour ça et ne pas trop se poser de questions…
Quel est votre parcours, votre formation artistique ou autre ?
Je n’ai pas d’autre formation artistique que celle de l’expérience de la vie. J’ai toujours été en quête de sens en tentant de comprendre qui j’étais et comment vivre dans ce monde. C’est vrai que, indirectement et inconsciemment, je me suis souvent tournée vers l’art pour en faire ma propre thérapie. J’ai fait du théâtre notamment, qui a un vrai pouvoir thérapeutique. Avant ça, je suis quand même passée par un parcours plus classique : étude de communication, travail dans une banque… Mais j’ai toujours su que ce n’était pas ma place, sans pour autant savoir ce que je voulais réellement faire. Jusqu’à ce que je découvre que je pouvais transmettre quelque chose de puissant à travers mes peintures. Et que ce serait précisément ma mission de créer des œuvres et d’en faire profiter les autres.
À quel moment vous êtes-vous rendu compte de l’effet thérapeutique de votre art ?
Cet été, j’ai fait des ateliers de peinture et j’ai vraiment eu un déclic en termes de lâcher prise sur le processus de création artistique. Je démarre désormais d’une page blanche et je me laisse guider, tout en utilisant de la peinture fluorescente. Cette manière intuitive et ‘simple’ de peindre, je me suis rendu compte que ça pouvait provoquer une ‘cristallisation d’énergie’ que je peux ensuite transmettre. Après avoir pris conscience de cela, j’ai voulu vérifier mon intuition en exposant mes œuvres pour la première fois et toucher ainsi un plus large public. Et ça n’a pas manqué ; j’ai vu à ce moment-là le ‘pouvoir’ de l’art. Il y avait par exemple des gens qui rentraient stressés et tendus dans l’espace d’exposition et qui repartaient plus apaisés ; ou encore des enfants qui ont été totalement transportés et réceptifs… Mais bien sûr, d’autres personnes étaient beaucoup plus rationnelles et fermées.
C’est à la suite de ces expositions que j’ai réalisé que je devais changer de public cible et que mon art n’avait pas spécialement vocation à être vendu de façon traditionnelle, mais plutôt à servir d’outil thérapeutique pour les personnes plus sensibles, plus réceptives, plus vulnérables… pour les apaiser et les aider. C’est là qu’est sa place, j’en suis maintenant persuadée.
Vous réalisez depuis peu des fresques dans des centres de soins ; comment ça se passe et quelles sont les réactions ?
Pour l’instant, c’est extrêmement positif ! Ici à la Cité Sérine par exemple, Caroline Henrioul, la coordinatrice, m’a dit qu’en vrai c’était encore mieux que ce qu’elle avait imaginé ou vu en photos.
J’ai peint la fresque pendant plusieurs jours et de nombreuses personnes sont venues me voir, très enthousiastes et émerveillées. Et les réactions peuvent être encore plus impressionnantes selon les publics. Par exemple, j’ai réalisé une oeuvre dans une maison de repos – ou plus précisément un ‘cantou’, prenant en charge la démence -, où une vielle dame qui n’avait plus parlé depuis des mois s’est arrêtée devant ma fresque et a dit « Waw! » Toutes les aides soignantes étaient scotchées et sont venues me voir pour m’annoncer le miracle. Chez Dynam’Autes également, qui propose de l’extrascolaire pour enfants autistes, j’ai réalisé une fresque – la première que j’ai faite – qui fait son effet apaisant auprès de deux enfants en particulier (tels que les espaces snoezelen notamment qui ont les mêmes vertus relaxantes auprès des enfants). Enfin, au sein d’un nouveau Centre pluridisciplinaire pour l’autisme nommé Zigzag, j’ai peint une toile en laissant à disposition une lampe de poche LED qui permet de jouer avec la fluorescence de la peinture ; c’est très ludique et les enfants adorent.
Un autre volet des « Clefs d’Elise », ce sont les ateliers de peinture intuitive. Racontez-moi !
« Au fil du temps et de mon expérience dans la vie, écrit Elise sur son site, j’ai réalisé à quel point la créativité artistique pouvait être un vecteur de transformation et un initiateur de changement extrêmement puissant quand on s’en donne la permission. Aussi, j’ai énormément utilisé l’art de façon thérapeutique sur mon propre chemin de vie, ce qui fait que j’ai plein d’outils en poche à transmettre. Je viens animer des ateliers dans les associations, les services, une maison de repos, une entreprise… afin de permettre aux résidents, employés, patients, membres… d’expérimenter et d’utiliser la peinture intuitive pour leur propre épanouissement. » Je leur permets de partir d’une toile blanche pour suivre leur instinct et leur créativité. Je suis à l’écoute du public que j’ai devant moi pour les guider, leur donner un thème à suivre. Et puis c’est l’instinct de chacun qui fait le reste…
→ Participer à un atelier de peinture intuitive avec Elise
Après un moment de silence et de contemplation, nous nous sommes relevées pour sortir doucement de notre bulle et rejoindre la réalité. L’espace d’une vingtaine de minutes, j’ai été transportée dans un monde onirique, invisible, rempli de couleurs, tout au fond de l’océan. J’étais détendue et apaisée.
Texte et photos : Sofia Douieb
Les Clefs d’Elise
→ Vers son site web
→ Vers sa page instagram
À LIRE AUSSI :
-
« L’art peut-il soigner ? » Une conférence au KBR pour en discuter
-
Lire notre page « Accessibilité, Arts et culture »
-
25 balais pour Le Pont des Arts : « Il fallait marquer le coup ! »
-
Art en milieu de soins : un code de déontologie pour un métier « drôlement sérieux »
-
Livres autour de l’hospitalisation, la maladie grave, le handicap, le décès… d’un enfant