Logopédie : toujours pas de remboursement pour les enfants avec un handicap intellectuel

Les séances de logopédie pour les enfants ayant un QI estimé à moins de 86 continuent à ne pas être remboursées. Une discrimination manifeste qu’aucun membre du gouvernement a daigné remettre en question, et ce malgré les multiples contestations du secteur depuis de nombreuses années. L’association GAMP, comme beaucoup d’autres, s’indigne et réagit.

En mars de l’année dernière, des auteurs lançaient une action pour s’insurger contre cette discrimination qui dure depuis des années. Ils espéraient avoir assez de poids pour permettre aux enfants avec une déficience intellectuelle d’être mieux considérés et d’obtenir enfin les remboursements logopédiques auxquels ils devraient également avoir droit. À la mi-mai 2022, le débat est à nouveau revenu sur la table au moment de la publication du Plan d’Action Fédéral Handicap 2021-2024 (PAFH) qui ne prévoit toujours pas d’amélioration à cette problématique. Face aux protestations du secteur, le cabinet du ministre de la Santé Frank Vandenbroucke (Vooruit) a déclaré maintenir le cap. « Pour les patients avec un QI inférieur à 86, la prise en charge multidisciplinaire est la plus indiquée« , martèle-t-il.

« Ceux qui ont le plus besoin de cette aide sont ceux qui en bénéficient le moins »

Dans un article de la DH, Cinzia Agoni, la porte-parole du GAMP (groupe de défense des personnes handicapées de grande dépendance), explique encore une fois le désarroi du secteur : « Le monde de la santé est d’accord pour dire qu’il faut changer ce règlement, mais le monde politique ne suit pas. Si on avait vu quelques soubresauts vers un assouplissement de ces mesures sous le cabinet de Laurette Onkelinks (PS), tout avancement semble avoir été mis en pause à l’arrivée de Maggie De Block (Open-vld). » Et désormais, Frank Vandenbroucke (Vooruit) a clairement dit qu’il maintiendrait cela comme c’est actuellement. La porte parole du GAMP ajoute :« Le politique se renvoie la balle tout le temps. Ils disent que les personnes souffrant d’autisme doivent aller dans des écoles spécialisées où elles seront suivies par des logopèdes. Mais la pédagogie n’est pas adaptée dans ces classes et les élèves ne bénéficient pas du nombre d’heures suffisant. Au final, c’est le monde à l’envers. Ceux qui ont le plus besoin de cette aide pour s’adapter au monde sont ceux qui en bénéficient le moins. « 

Quel est le problème au juste ?

Dans le cadre de troubles de la parole, de la voix, du langage écrit ou oral, il peut s’avérer nécessaire de suivre des séances de logopédies. Il n’est pas rare que des enfants, en plein apprentissage, éprouvent des difficultés et qu’un passage par la case logopède les en sorte. Il n’empêche que ces séances ont un coût : entre 40 et 50€ la séance. Et ces troubles ne se résolvent pas en une seule séance. Dans certains cas, c’est un long processus qui s’entame afin de donner au patient, jeune ou adulte, les clefs pour surmonter ses difficultés d’apprentissage, de lecture ou autre. Par chance, ces séances sont remboursées en très grande partie par l’INAMI. Mais il y a deux exceptions à la règle : si les troubles de l’apprentissage durent plus de deux ans, plus de remboursement. Et si le patient a un QI inférieur à 86, pas de remboursement non plus.

« C’est une honte, un véritable scandale, une injustice ignoble »

Ce chiffre de 86 a été fixé un peu aléatoirement par l’INAMI sur base de plusieurs échelles et analyses qui s’accordent sur le fait qu’un QI en dessous des 90 correspondrait à une intelligence en dessous de la moyenne, voire à un handicap intellectuel. Or, il est utile de rappeler que le calcul du QI, notamment chez les enfants, reste un outil clivant et bien souvent incomplet qui est à prendre avec des pincettes. En Belgique, l’INAMI a tranché. Elle estime que si l’enfant a un QI inférieur à 87, il nécessite une prise en charge plus approfondie, pluridisciplinaire. Et que donc la logopédie seule ne permettrait pas de pallier ses difficultés. Pour les parents, c’est une grande injustice (et le mot est faible). Comme l’a écrit le comédien et auteur Thierry Janssen, papa d’un enfant trisomique, dans son intervention artistique de l’an passé pour l’asbl Think ALL inclusive : « C’est une honte, un véritable scandale, une injustice ignoble ».

 

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