Le KCE plaide pour plus de soins pédiatriques à domicile

La place d’un enfant malade est-elle vraiment à l’hôpital ? D’autres pays que le nôtre ont mis en place des soins pédiatriques « transmuraux », qui permettent de prendre en charge à domicile des enfants qui auraient normalement été traités à l’hôpital. Il a été demandé au Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) d’analyser la manière dont la pédiatrie est organisée et financée au sein des hôpitaux belges et d’examiner dans quelle mesure et selon quelles modalités les soins transmuraux pourraient – en partie – éviter des séjours à l’hôpital ou les raccourcir au profit de soins à domicile.

(Communiqué de presse du KCE)

En Belgique, les enfants malades qui nécessitent des soins spécialisés sont presque exclusivement traités à l’hôpital. Or les hôpitaux vivent actuellement une profonde mutation, marquée par une réduction des durées de séjour et un recentrage sur les soins plus spécialisés. En conséquence, les patients sont de plus en plus souvent traités en ambulatoire et/ou à domicile. Les soins pédiatriques ne font pas exception, puisqu’une majorité des durées de séjour sont actuellement inférieures à deux jours. Par ailleurs, une hospitalisation est un événement stressant pour l’enfant, qui est sorti de son environnement familier.

Soins pédiatriques transmuraux

Pour répondre à cette nouvelle donne, certains pays ont développé des modèles de « soins pédiatriques transmuraux » basés sur une prise en charge à domicile d’enfants qui auraient normalement été traités à l’hôpital. Cette approche peut s’avérer bénéfique pour la qualité de vie de l’enfant et de ses proches. En Belgique, les soins pédiatriques transmuraux n’en sont toutefois qu’à leurs balbutiements. Ainsi, en 2020, cinq équipes de « liaison pédiatrique » ont pris en charge un peu plus d’un millier d’enfants, ce qui est assez peu en comparaison avec ce qui se fait dans d’autres pays. Le Centre fédéral d’Expertise des Soins de santé (KCE) s’est penché sur l’organisation de la pédiatrie dans les hôpitaux belges : comment est-elle organisée et financée ? Quel est le taux d’occupation des services de pédiatrie et quelles sont les pathologies qui les occupent le plus ? Et où en sont les soins pédiatriques transmuraux ? Quelles sont les perspectives en la matière ?

Beaucoup de petits services pédiatriques

La Belgique compte 91 hôpitaux disposant d’un ou plusieurs services de pédiatrie, répartis sur 99 sites distincts – 57 en Flandre, 32 en Wallonie et 10 à Bruxelles (chiffres 2018). Chacun de ces services est en principe en mesure de fournir la totalité des soins pédiatriques (sauf les soins très spécialisés). La capacité totale de ces services de pédiatrie correspond à 2 489 lits agréés. Certaines zones géographiques comportent de nombreux services de pédiatrie de petite taille. Beaucoup d’entre eux ne sont réellement « pleins » que lors du pic hivernal dû aux bronchiolites à virus respiratoire syncitial (VRS), et restent très faiblement occupés durant la plus grande partie de l’année (parfois moins de 10 % des lits sont occupés). Les grands services (plus de 25 lits) ont des taux d’occupation plus stables au cours de l’année et ont également moins de risques d’être débordés lors des pics hivernaux. Par ailleurs, si un vaccin contre les infections par VRS devait arriver dans les années à venir, cela pourrait avoir un impact considérable sur le taux d’occupation des lits pédiatriques.

Se réorganiser au sein des réseaux hospitaliers ?

Maintenir en fonction 24h/24 un service de pédiatrie complet – petit ou grand – est coûteux, sans parler de la pénurie actuelle de personnel infirmier et de pédiatres. À l’heure où les hôpitaux s’organisent en réseaux locorégionaux, il serait donc judicieux qu’ils repensent la capacité des services de pédiatrie et leur répartition au sein de ces réseaux. Une telle réorganisation devra évidemment toujours tenir compte de l’accessibilité géographique, afin que chaque famille puisse atteindre facilement et rapidement un service de pédiatrie. L’analyse des chercheurs du KCE montre également qu’une collaboration au sein des réseaux – voire entre réseaux adjacents – permettrait aussi de mieux gérer les pics saisonniers. Une mesure concrète qui pourrait être prise au sein des réseaux serait de mettre au point un tableau de bord commun donnant un état des lieux en temps réel du nombre de lits disponibles et du taux d’occupation de tous les services de pédiatrie du réseau.

Le modèle des équipes de liaison pourrait être étendu

La seconde partie de l’étude portait sur la situation des soins transmuraux en Belgique. Les chercheurs ont interrogé les équipes de liaison pédiatrique existantes pour comprendre leur mode de fonctionnement et voir dans quelle mesure leur modèle de soins transmuraux pourrait être appliqué de façon plus large dans notre pays.

Par équipe de liaison pédiatrique, on entend ici une équipe multidisciplinaire (pédiatre, infirmier, kiné…), mise en place par un hôpital afin d’assurer la continuité des soins entre l’hôpital et le domicile. Les équipes existantes s’adressent à des publics spécifiques, comme les enfants atteints de maladies de longue durée et/ou qui nécessitent des traitements récurrents et les enfants en soins palliatifs. Ce n’est cependant qu’un modèle de soins transmuraux parmi d’autres. En étudiant ce qui se fait à l’étranger, les chercheurs du KCE ont observé de grandes variations en ce qui concerne le profil clinique des enfants pris en charge, le type de soins délivrés, les qualifications des médecins et/ou des infirmiers au sein de l’équipe, le type d’intervenants à domicile avec lequel travaille l’équipe hospitalière, le type de coordination, le financement, etc.

L’étude du KCE ne se prononce pas en faveur de l’un ou l’autre modèle, mais constate que le modèle actuel des équipes de liaison coordonnées par l’hôpital pourrait être étendu. Le modèle néerlandais, qui confie la coordination aux acteurs des soins à domicile, pourrait offrir une piste alternative. Mais dans les deux cas, une pierre d’achoppement pourrait être le manque d’infirmiers à domicile détenant une expertise suffisante en soins pédiatriques. Des projets pilotes seront prochainement mis en place afin d’évaluer différentes modalités d’organisation et de financement. Le rapport publié aujourd’hui épingle une série de conditions essentielles à la réalisation de tels projets pilotes.

Changer le modèle d’organisation des soins pédiatriques ?

En conclusion, le KCE propose de remplacer le modèle actuel d’organisation des soins pédiatriques par un nouveau programme de soins encore à développer dans lequel d’autres formes de soins ont leur place à côté du service de pédiatrie classique. Le KCE recommande d’agréer et de financer l’« hospitalisation provisoire » (hospitaliser un enfant pendant quelques heures pour surveiller l’évolution de son état de santé) ainsi que d’étendre le financement de l’hôpital de jour médical pédiatrique. En cas d’évaluation positive, les soins pédiatriques transmuraux devraient également, après la phase pilote, faire partie du programme de soins. Il sera également nécessaire d’envisager un meilleur partage des tâches entre les hôpitaux et entre les hôpitaux et les autres lignes de soins.

 

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