Une des données les plus frappantes de l’étude « Utilisation des médicaments chez les adolescents », menée par les Mutualités Libres, est la forte augmentation de la consommation d’antidépresseurs chez les adolescents en Belgique. Entre 2013 et 2022, l’usage de ces médicaments a grimpé de 60 %, une évolution qui inquiète les professionnels de santé. Même si seulement 1,6 % des adolescents en prenaient en 2022, cette tendance à la hausse soulève des questions sur la santé mentale des jeunes et sur la gestion des troubles psychologiques.
Les Mutualités Libres indiquent que cette augmentation n’est pas survenue de manière linéaire. En effet, le pic d’utilisation des antidépresseurs est survenu après la pandémie de Covid-19, période qui a été marquée par une montée en flèche des troubles anxieux, de la dépression et des problèmes de santé mentale chez les jeunes. La crise sanitaire, avec son lot de confinements, de restrictions sociales et de pressions scolaires, a eu un impact significatif sur le bien-être mental des adolescents.
« Le Covid-19 a agi comme un accélérateur pour des tendances déjà observées, révélant et amplifiant les souffrances psychologiques de nombreux jeunes », note un expert de la santé mentale.
Pourquoi les antidépresseurs ?
Le recours croissant aux antidépresseurs chez les adolescents soulève notamment des questions sur les solutions alternatives qui leur sont proposées pour gérer leur santé mentale. Selon certains spécialistes, cette hausse pourrait être liée à un manque d’accès aux soins psychologiques ou à une sous-utilisation des approches non médicamenteuses, telles que la psychothérapie ou la psychoéducation. « Nous observons une tendance à médicaliser des situations qui, dans certains cas, pourraient être mieux gérées par un accompagnement psychologique », indique aux Mutualités Libres un psychologue spécialisé en adolescence. L’étude souligne en effet que des méthodes non médicamenteuses, comme la thérapie comportementale et cognitive (TCC), sont souvent sous-exploitées, alors qu’elles ont prouvé leur efficacité dans la gestion des troubles anxieux et dépressifs.
Une augmentation de la durée des traitements
L’étude révèle également une autre donnée importante : la durée moyenne des traitements antidépresseurs a elle aussi augmenté de 60 % au cours de la même période. Cela signifie que non seulement plus d’adolescents se voient prescrire ces médicaments, mais qu’ils les prennent sur des périodes plus longues. « C’est là que réside une des principales préoccupations », soulignent les Mutualités Libres. Si les antidépresseurs peuvent être efficaces pour traiter certains cas de dépression sévère, il est crucial de ne pas les voir comme une solution à long terme, surtout chez les jeunes en pleine construction psychologique. La prolongation des traitements peut induire une dépendance et des effets secondaires à long terme.
La santé mentale des jeunes : un enjeu urgent
Face à ce constat préoccupant, les Mutualités Libres appellent à une prise de conscience collective sur la manière de traiter la santé mentale des adolescents. « Le recours systématique aux antidépresseurs doit être interrogé », peut-on lire dans les conclusions de l’étude. Si ces médicaments peuvent être nécessaires dans certains cas de dépression sévère, une prescription trop hâtive ou prolongée risque de masquer des problèmes sous-jacents qui nécessitent un suivi psychologique. L’importance de favoriser des approches non médicamenteuses est donc au cœur des recommandations. En effet, les adolescents, en plein développement émotionnel et mental, sont particulièrement sensibles aux effets des antidépresseurs.
« Il est essentiel de promouvoir des solutions alternatives et de rendre les soins psychologiques plus accessibles », insiste le rapport.
Quels sont les risques à long terme ?
Les antidépresseurs, bien qu’efficaces pour traiter les symptômes de la dépression, comportent des risques, notamment chez les jeunes. « Les effets secondaires peuvent inclure des troubles du sommeil, des sautes d’humeur, voire une dépendance en cas d’usage prolongé », explique un psychiatre. C’est pourquoi les Mutualités Libres appellent à une vigilance accrue lors de la prescription de ces médicaments, et à un suivi rigoureux des adolescents qui en consomment. Ainsi, bien que l’usage des antidépresseurs soit en augmentation chez les jeunes, cette tendance ne doit pas occulter la nécessité de promouvoir des solutions plus durables et moins invasives pour traiter les troubles de santé mentale. Les professionnels de santé, parents et éducateurs doivent se mobiliser pour mieux accompagner les adolescents et leur offrir un accès plus large aux soins psychologiques, tout en réduisant au maximum la dépendance aux médicaments.
Sofia Douieb
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