Le 13 octobre est la journée mondiale des soins palliatifs pédiatriques. Retour, pour l’occasion, sur un webinaire en ligne donné en 2021 dans le cadre d’une défense de thèse centrée sur la mesure de la qualité de vie des enfants confrontés à des conditions limitant leurs vies. Une série d’experts dans le domaine des soins palliatifs pédiatriques en Belgique ou à travers le monde ont pris la parole pour jeter un peu de clarté sur ce sujet plus que jamais d’actualité.
Ce symposium avait pour ambition de répondre, par l’intermédiaire des différents intervenants, à une série de questions telles que : Quelles sont les pistes pour faciliter les prises de décisions éthiquement difficiles entre enfants, parents et équipes de soins? Quelles sont les dernières initiatives prises dans d’autres pays pour intégrer les services de soins palliatifs pédiatriques dans les systèmes de santé ? Comment créer des passerelles entre familles, équipes cliniques et équipes de recherche ? Comment se définit la qualité de vie dans un contexte palliatif pédiatrique ? Peut-on mesurer cette qualité de vie ? En vue de quels objectifs ? Voici donc quelques pistes de réponses.
« On a voulu continuer à être une famille normale »
La première intervention fut celle d’Elise Seynaeve, la maman d’isaure, une petite fille de 5 ans, aujourd’hui décédée, à qui on a diagnostiqué une leucémie incurable. Après plusieurs mois de traitements, il y a eu des complications et Isaure a perdu l’usage du nerf central et donc de la parole. Ses parents ont décidé de la ramener à la maison tout en bénéficiant de soins palliatifs prodigués par l’équipe de liaison Interface pédiatrique (St-Luc). Ceci leur a permis de retrouver pleinement leur fille avec qui ils communiquaient les dernières semaines « avec les yeux ». Cette dernière a continué à suivre des cours, à apprendre, à entretenir des contacts avec ses camarades de classe… « On a voulu continuer à être une famille normale », a déclaré la maman. Isaure avait encore des rêves et ses parents ont tout mis en oeuvre pour les réaliser : aller à Disney Land Paris, nager dans la piscine de ses grands-parents… Ce qui a été possible grâce aux soins palliatifs. Pour finir la maman d’Isaure, mais aussi d’Alix, a voulu mettre l’accent sur l’importance d’accorder également du temps à la fratrie…
De l’importance de maintenir le lien entre l’hôpital et la maison
Si cette famille a pu retourner à la maison et profiter pleinement des derniers moments avec leur enfant, c’est avant tout grâce aux équipes de liaison pédiatrique. Nathalie Anderson, coordinatrice et infirmière, fait partie de celle de l’Hôpital des enfants (Globul’Home) et a pris la parole au nom de toutes les équipes de liaison pédiatrique en Belgique pour expliquer concrètement leur rôle : « En 2010, un financement fédéral nous a permis de développer nos équipes. Nous assurons, auprès des enfants aux conditions de vie limitées, une fonction hospitalière à leur domicile ; nous assurons le lien entre l’hôpital et la maison afin que tous les soins nécessaires leur soient prodigués. Nos missions sont à la fois curatives, palliatives et terminales et notre but est d’améliorer la qualité de vie en garantissant la continuité des soins, notamment à domicile. Les infirmier.e.s, soutenu.e.s par toute l’équipe, sont disponibles 24h/24 et 7j/7. Ils/elles sont formés de manière très complète et ont acquis une expertise en soins palliatifs pédiatriques. L’équipe soutient également les familles et entretient un contact privilégié avec elles; ce qui permet souvent de mieux déceler les difficultés ou le manque de répit. »
Présence, écoute et empathie au chevet des petits patients
D’autres équipes restent bien sûr en permanence à l’hôpital pour accompagner les enfants hospitalisés. Dr. Marleen Renard du département d’oncologie pédiatrique à l’hôpital universitaire de Leuven a évoqué sa réalité des soins palliatifs pédiatriques. Pour elle, ces derniers relèvent de la responsabilité éthique des systèmes de santé parce qu’ils permettent d’améliorer la qualité de vie des enfants dont la vie est limitée. Les SPP ne sont pas compliqués à mettre en oeuvre parce que seules des méthodes simples doivent être pratiquées : rester au chevet du patient et l’écouter, ne pas vouloir faire à tout prix quelque chose, se montrer courageux et compréhensif face à l’enfant, aux collègues ou aux parents… Au plus tôt les SPP interviennent (début de l’annonce de la maladie), au mieux c’est pour améliorer le suivi et agir sur la qualité de vie des familles durement éprouvées. Enfin, il faut absolument sensibiliser et former la première ligne de soins afin qu’un maximum de patients puissent bénéficier à temps des SPP.
Parents et professionnels de concert pour le bien-être de l’enfant
Dr. Richard Hain, pédiatre spécialisé en SPP et responsable du Réseau des SPP du Pays de Galles, intervenant suivant, a évoqué les relations entre le personnel soignant et les parents face à la maladie grave d’un enfant. La plupart du temps, les choses se passent bien, mais parfois, il y a des désaccords. Certains chercheurs affirment que les parents ne doivent pas s’ingérer dans toutes les décisions médicales ; surtout s’ils évoquent des raisons religieuses. Car l’autonomie des parents les concerne eux-mêmes et non pas leur enfant qui, au fond, ne leur appartient pas. Ce qu’il faut mettre au cœur des décisions, c’est avant tout l’intérêt de l’enfant. Ce dernier a des besoins et des préférences qu’il faut respecter. Et pour cela, médecins et parents – qui sont complémentaires – doivent fonctionner main dans la main.
Perspectives internationales
À l’international, comment se présentent les SPP ? Réponses avec le Pr. Julia Downing, responsable en chef du Réseau SPP à l’international (International Children’s Palliative Care Network). L’OMS, qui s’engage à développer les SPP à travers le monde, les définit en quatre points : continus, interviennent dès le début de la maladie, à prodiguer où que l’enfant se trouve et ayant une dimension holistique. Dans le monde, 21 millions d’enfants ont besoin de ces soins, mais très peu en bénéficient réellement (ex : moins de 5% en Afrique). Les manquements principaux sont les compétences techniques et l’expertise du personnel soignant, l’accès aux médicaments, une véritable politique des SPP, ou encore l’éducation. Pour ce dernier point, il faudrait absolument trouver les moyens de former la première ligne de soins; soit de manière globale, soit de manière plus spécifique. Une prise de conscience est en cours, mais le chemin est encore long et la recherche doit rapidement faire évoluer ce domaine.
Chercher et collaborer pour ne pas cesser de s’améliorer
Pour améliorer la recherche justement, le centre de recherches Martin House au Royaume-Uni est spécialisé dans les SPP. Lorna Fraser, directrice du centre, a brièvement évoqué les chantiers en cours (en collaboration avec des parents et des jeunes), tous destinés à continuer à faire du bien aux patients et à pallier les ressources limitées. Les principaux sujets étudiés : le soutien psychologique et émotionnel à mettre en place autant pour les enfants que pour les parents ou la fratrie, amélioration du bien-être et de la qualité de vie (sujet de la thèse de Marie Friedel), les conséquences du Covid-19, amélioration des services oncologiques, donner une plus grande place aux soins spirituels…
« Spice of life » – Défense de thèse de Marie Friedel
‘Last but not least’ après trois heures de conférences, Marie Friedel a défendu sa thèse de doctorat intitulée : « Spice of life. How can we explore and measure the quality of life of children facing life-limiting conditions? Results and challenges of the MOSAIK study in Belgium ». Plusieurs buts ont été avancés dans le cadre de ses recherches menées en collaboration avec toutes les équipes de liaison pédiatriques en Belgique, notamment, la volonté de documenter le profil et le nombre des enfants suivis en Belgique, de développer un instrument capable d’évaluer la qualité de vie des enfants ayant une maladie limitant/menaçant leur vie et la qualité de vie de leurs parents. Elle s’est appuyée sur les recherches conduites précédemment par le Prof. J. Downing et E. Namisango autour du children’s palliative outcome scale (CPOS) et l’adaptant au contexte de soins de santé belge. Il est actuellement disponible en français et en néerlandais et contient 20 questions adressées à l’enfant et à ses parents. Les équipes belges de liaison pédiatriques perçoivent cet outil comme une boussole permettant de mieux identifier les besoins des enfants et de leurs familles, d’aborder des sujets sensibles et de renforcer la relation avec elles.
Cette recherche MOSAIK a été étendue selon le même protocole à 8 équipes régionales ressources de SPP en France et des collaborations se poursuivent également avec le Ciceley Saunders Institute (Kings College London, UK) qui travaillent aussi sur le CPOS.
Sofia DOUIEB
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