Exosquelettes de revalidation ou de compensation/prévention, électrostimulations fonctionnelles, réalité virtuelle… L’efficacité de ces technologies capables d’améliorer significativement l’autonomie motrice des petits patients paralysés cérébraux n’est plus à démontrer. Mais il y a hic. Contrairement à ce qui se fait au Grand-Duché du Luxembourg, en Allemagne ou, depuis peu, dans les cantons de l’Est de la Belgique, ces aides technologiques, ainsi que les soins kinés et ergos, ne sont toujours pas suffisamment remboursés dans le reste de la Belgique. Sébastien Vanderlinden, kinésithérapeute pédiatrique et chercheur freelance en Neuro(Ré)Habilitation, attire l’attention face à cette situation persistante et problématique pour les patients et leurs proches.
L’an dernier, Hospichild avait déjà mis en avant les travaux de recherche du spécialiste. Ce dernier travaille en partie sur le contenu des soins prestés pour ces enfants, sur ce qui est enseigné dans les formations spécifiques à la neuropédiatrie, et sur les priorités en recherche clinique par rapport au budget des soins de santé partiellement remboursables. Cette fois-ci, il a tenu à nous parler du manque d’information autour des nouvelles technologies révolutionnaires tout juste évoquées.
Comme lui, de nombreux kinés (membres de l’AKBru notamment) revendiquent, depuis plusieurs années, le remboursement de ces aides parfois onéreuses et, pour l’instant, trop peu accessibles au grand-public. En cause selon les organismes officiels : le manque de sources d’argent publique…
Décalage entre solutions et moyens
Lors d’une conférence en ligne organisée en juillet dernier par l’AKBru (association de défense des kinés bruxellois), S. Vanderlinden a présenté devant une cinquantaine de kinés les nouvelles technologies disponibles pour, notamment, les enfants paralysés cérébraux. En réaction à ses propos, les spécialistes ont tous convenu qu’un réel décalage subsiste entre les solutions et les moyens offerts à ces enfants. Pourtant, ces outils de dernières générations permettent à de plus en plus de patients de récupérer plus rapidement, de conserver plus longtemps leurs acquis, et, pour les sévèrement atteints, de remarcher ou de prévenir leur dégradation.
« Il faut permettre l’acquisition permanente de ces outils »
Certains hôpitaux ou centres de réadaptation belges proposent déjà à leurs patients ces outils technologiques. Mais pour être efficaces à long terme, ces aides devraient s’utiliser au quotidien par les personnes atteintes de paralysie cérébrale. Comme l’exprime Sébastien Vanderlinden, « il faut permettre l’acquisition permanente de ces outils, car ils sont souvent d’une nécessité définitive. Ce n’est pas juste parce qu’on fait un peu d’électrostimulation en kiné que ça va changer la vie de ces enfants. Pour que leur vie change réellement, il faut, dans certains cas, qu’ils soient constamment équipés de cela plutôt que d’une simple atèle ou orthèse qui ne fait que mettre leur pied au repos plutôt que de stimuler la musculature. »
Stop aux discriminations entre les personnes handicapées
Ce que revendiquent surtout les parents, c’est que les autorités règlent le problème de la discrimination entre les personnes handicapées. Si certains, plus fortunés, peuvent payer leurs soins, d’autres, moins nantis, ne le peuvent tout simplement pas. Ce qui n’est évidemment ni normal, ni logique. Pour une simple différence de portefeuille, deux enfants paralysés cérébraux n’auront pas les mêmes chances d’améliorer leur autonomie motrice. Même les médecins ou les kinés, s’ils connaissent ces technologies -ce qui est loin d’être toujours le cas- hésitent parfois à en parler aux patients, car ils savent que leurs moyens ne seraient pas suffisants. Ce qui fait que certains parents ne sont parfois même pas au courant de ce qui pourrait significativement aider leur enfant.
La Belgique à la traîne côté remboursement, sauf les cantons de l’Est
Malgré le fait que ces solutions technologiques soient mondialement connues et que leur efficacité soit reconnue de tous, les remboursements tardent à être accordés. En Belgique, seuls les cantons de l’Est, donc Eupen, Malmedy et Saint-Vith, permettent depuis peu aux personnes moins valides d’accéder aux appareillages ou exosquelettes en étant remboursés en partie via l’assurance hospitalisation. Ailleurs en Belgique, un débat permanent s’opère entre les différentes instances compétentes telles que l’Inami, le service Phare ou encore l’Aviq. Chacun rejette la responsabilité sur l’autre et, au final, personne ne prend en charge les patients concernés; certainement à cause du très lourd budget que cela représenterait (entre 2.000 et 150.000 euros).
Propos recueillis par Sofia Douieb
→ Pour aller plus loin sur le sujet, le colloque annuel de GERIMOC a lieu le 26 septembre à Libramont, Cette année, le thème est justement orienté sur la prise en charge précoce de la paralysie cérébrale. Une occasion pour les médecins et kinés de se mettre à jour sur les technologies existantes et sur les diverses avancées en la matière.
Dans un précédent article, nous vous parlions de Lou Garagnani, maman du petit Ayden, porteur d’une maladie génétique rare, et de son projet de plaine de jeux inclusive unique à Bruxelles. Ce n’était alors qu’un projet en cours d’élaboration. Dès le 5 septembre, le Monde d’Ayden va bel et bien ouvrir ses portes, en avant-première, à un public restreint.
Crédit photo : Le Monde d’Ayden
« Venez découvrir le Monde d’Ayden en avant-première, la première plaine de jeux intérieure inclusive de Belgique !
Emerveillez-vous dans cet univers magique unique et inclusif aux espaces de jeux originaux et sensoriels pour petits et grands. Partez en voyage à bord de notre fiat 600 ou peut-être de notre bateau pirate ?! Marchez sur des nuages colorés ou relaxez-vous dans le Snoezelen, un espace multisensoriel ! Chacun y trouvera de quoi jouer, créer et partager ! »
Une manière de soutenir financièrement le projet
L’idée de cette ouverture prématurée est d’une part de faire découvrir la plaine de jeux à quelques enfants (porteur d’un handicap ou non) et de recueillir leurs premières impressions, et d’autre part de faire rentrer un peu d’argent dans les caisses de l’asbl afin de pouvoir continuer à concrétiser l’initiative. Sur la page Facebook du Monde d’Ayden, on peut lire ceci : « Durant tout le mois de septembre et début octobre, Le Monde d’Ayden vous ouvre exceptionnellement ses portes avant son ouverture officielle. Faisant face à des retards administratifs dû à la crise sanitaire, Lou Garagnani, la créatrice du projet, a décidé de ne pas se laisser abattre par les évènements que nous traversons et organise des journées d’ouverture uniquement sous réservation et pour un petit nombre d’enfants afin de soutenir financièrement le projet. »
Ouverture en avant-première : les infos pratiques
Pour un prix de 9 euros par enfant, la plaine de jeu sera accessible, uniquement sur réservation, tous les mercredis après-midi (de 14h à 17h), ainsi que les samedis et dimanches (soit de 10h à 13h, soit de 14h à 17h) du 5 septembre 2020 au 18 octobre 2020. Ces créneaux horaires précis sont définis afin de respecter au mieux les mesures sanitaires actuelles et ne seront accessibles qu’à une quarantaine d’enfants à la fois. Une cantine saine et bio appelée « Chez Milo » sera ouverte pour l’occasion : « Au menu, soupe, salades ou bagels. Les amateurs de sucrés ne sont pas mis de côté : des cheesecakes, cakes au chocolat ou encore tiramisu spéculoos seront disponibles. Craquage assuré ! »
Mesures spéciales Covid-19
Bien sûr, des mesures particulières liées à la crise sanitaire sont, comme partout, d’application :
– Le port du masque est obligatoire pour les adultes qui se déplacent dans la plaine mais pas à table
– Des gels hydroalcooliques sont mis à votre disposition à différents points stratégiques de la plaine
– Tous les membres du personnel portent un masque ou une visière
– Réservation avec coordonnées obligatoires
– Nettoyage des espaces de jeux et des sanitaires entre les différents créneaux horaires
– Service à table pour les lunchs et goûters
– Respect des distanciations sociales entre les tables de la cantine
– Système de renouvellement d’air intérieur
« Tagad’Art Soin Soin ! », nouvelle chaîne Youtube soutenue par le Cabinet de Delphine Houba, regroupe quatre associations d’artistes en milieu hospitalier : Lapsus Lazuli, Les clowns à l’hôpital, Le pont des arts et Une note pour chacun. En raison du confinement et de l’impossibilité pour elles de se rendre au chevet des enfants hospitalisés, les quatre asbl se sont réunies pour leur permettre d’avoir accès à leurs vidéos sur une seule et même plateforme.
Crédit photo : Sofia Douieb
Dans un précédant article intitulé « De l’importance de continuer à faire rire et divertir virtuellement les enfants hospitalisés », nous vous informions de plusieurs initiatives mises en place par les artistes de trois associations habituellement actives en milieu hospitalier. « Tagad’Art Soin Soin ! » les regroupe toutes les trois. Mais il y a une quatrième asbl dont Hospichild n’a pas encore parlé : Une note pour chacun. Cette dernière a également mis en place, dès le début de la pandémie, des moyens lui permettant de continuer à chanter et à jouer de la musique pour les petits patients. Plus de détails avec Pascale de Laveleye, fondatrice et animatrice de l’association.
‘Une note pour chacun’, c’est quel type d’association au juste ?
Présents dans quatre hôpitaux bruxellois (Huderf, Erasme, Saint-Luc et Saint-Pierre), nous sommes des musiciens qui proposons des animations généralement collectives : initiation musicale, chant avec ou pour les enfants s’ils n’ont pas envie de participer activement, relaxation musicale, apprentissage d’un instrument pour ceux qui sont là depuis plus longtemps, et même, création de chansons en partenariat avec les hôpitaux.
Parlez-nous de cette nouvelle collaboration avec vos collègues artistes
Notre projet est une chaîne Youtube commune où nous publions des capsules vidéos artistiques, et dont nous diffuserons le lien dans les différents services hospitaliers. Ces derniers les relayeront ensuite jusqu’aux enfants par différents moyens (diffusion dans les télés via le système interne, petites cartes distribuées…)
L’idée est donc de faciliter l’accès à nos contenus respectifs via une seule et unique plateforme virtuelle.
Nous avons aussi un partenariat, pour ce projet, avec l’asbl Take Off qui nous aidera à rendre la chaîne accessible aux enfants hospitalisés qu’ils équipent de matériel informatique.
Qu’est ce que vous avez-mis en place de votre côté pour garder le contact avec les enfants hospitalisés ?
Nous avons mis en place deux initiatives majeures :
Un système de vidéo-conférence sécurisé pour un face à face avec les enfants qui le souhaitent
Les vidéos sur notre site ne sont pas interactives ; pour les « live » à destination des enfants, il n’est pas possible d’avoir le « chat » en direct, ni des commentaires. Par contre, j’utilise Zoom, Face-time, whereby… pour les face à face virtuels.
Comment ces initiatives sont-elles reçues par les enfants, leurs parents et le personnel hospitalier ?
Les vidéos ont plus ou moins de succès suivant les thèmes. Les plus petits adorent les chansons que je chante, et pour les plus grands, Julien, mon acolyte, envisage d’enregistrer des tutoriels musicaux comme, par exemple, la marche à suivre pour réaliser un « loop ». Pour ce quide l’apprentissage d’un instrument, un seul enfant est (très) demandeur pour des cours de guitare. Il est enchanté et ses parents aussi. J’ai encore d’autres idées à concrétiser pour les prochaines vidéos et je compte encore en développer certaines qui expliqueraient, par exemple, l’histoire des chansons que nous créons.
Savez-vous quand vous pourrez retourner au chevet des enfants ?
Nous n’avons pas la moindre idée de quand nous pourrons reprendre nos activités à l’hôpital, aucun des quatre hôpitaux où nous nous rendons habituellement n’ayant communiqué à ce sujet. Mais selon les bruits de couloir, ce ne sera certainement pas avant le mois de septembre.
Ixelles. École ordinaire ‘Les Petits Moineaux’. La toute première classe maternelle à visée inclusive de Bruxelles, destinée exclusivement à des enfants porteurs d’autisme, est en place depuis septembre 2019. En cette journée mondiale de l’autisme et plus de six mois après la rentrée scolaire, un premier bilan est dressé par Nathalie Vetard, enseignante dans la classe à visée inclusive, et Letizia Giambillaro, directrice de l’école spécialisée ‘Les Astrôn’Autes’ qui est à la base du projet.
On le sait, toutes les écoles, y compris les écoles spécialisées forcément, sont actuellement fermées pour cause de pandémie et pour une durée indéterminée. Mais est-ce une raison pour ne plus parler du tout de scolarité ? D’autant plus que le 2 avril est la journée mondiale de l’autisme et que des classes inclusives comme celle-ci ne courent pas vraiment les rues. La première fois qu’on en a entendu parler, c’était lors du Salon du Répit et du Handicap organisé en octobre dernier par l’asbl Handipeople. Hospichild avait rencontré Nathalie Vetard, présidente de l’asbl Dynam’Autes (voir focus du mois dernier) et enseignante spécialisée, qui nous faisait part de l’ouverture, depuis le mois de septembre, d’une nouvelle classe maternelle inclusive pour enfants porteurs d’autisme à l’école ‘Les Petits Moineaux’ à Ixelles. Après plus de six mois d’activité, Nathalie et Letizia dressent un premier bilan.
En septembre dernier, une classe à visée inclusive a été ouverte dans une école d’enseignement ordinaire (Les Petits Moineaux). Comment évolue l’Initiative ?
Nathalie Vetard, présidente de l’asbl Dynam’Autes et enseignante dans la classe inclusive de l’école « Les Petits Moineaux » – Crédit photo : Sofia Douieb
Nathalie :« Depuis la rentrée, il y a en effet pas mal d’évolution. Si, au début, les neuf enfants autistes restaient entre eux, il y en a cinq aujourd’hui qui se rendent, en matinée, dans les classes d’enfants ordinaires pour faire des activités et quatre qui prennent leur repas du midi avec eux. En outre, toutes les récréations et les sorties hors de l’école se font en commun. Évidemment, certains enfants s’adaptent moins rapidement que d’autres, mais là ce n’est que la première année et on espère aller encore plus loin l’an prochain. »
Letizia : « Le projet mené depuis le début de l’année fonctionne vraiment bien. La classe a été aménagée de manière adaptée pour chaque enfant. Une partie des enfants venait de l’école Les AsTrôn’Autes et connaissait déjà la structure. Le fait d’être deux personnes en permanence dans la classe a permis de mener au mieux ce projet. »
Comment cela est-il perçu, autant du côté des élèves que des parents ?
Letizia : « Au cours de l’année précédant la rentrée de la classe à visée inclusive, plusieurs étapes se sont mises en place. D’abord une rencontre avec l’équipe éducative des « Moineaux » et avec la directrice, Mme Céline Simon, afin de les sensibiliser d’une part, à l’autisme et d’autre part, au projet. Ensuite, tous les parents des « Moineaux » ont été conviés afin de les informer de ce projet. Une information sur l’autisme a été présentée. On a pu également répondre à leurs questions. Tout de suite, les parents ont été positifs et preneurs du projet. Ils ont majoritairement trouvé que l’initiative serait même bénéfique pour leurs enfants. Ils n’ont pas émis de craintes particulières. Et finalement, au cours de cette année scolaire, ce sont tous les autres membres du personnel de l’école ordinaire qui ont été sensibilisés. L’enthousiasme était au rendez-vous à chaque fois.
Depuis septembre également, la coordinatrice de la classe à visée inclusive, Laurence Folie, fait des sensibilisations auprès des enfants des classes maternelles. »
Quels sont les plus values pour les enfants autistes de fréquenter une école ordinaire ?
Nathalie :« Quand l’inclusion est bien faite, elle a un réel impact positif sur les enfants. Dans notre cas, on a eu de la chance de trouver une école qui était preneuse de ce projet et qui accueille nos élèves à bras grands ouverts. Grâce à la sensibilisation que les enseignantes des Petits Moineaux ont reçue de la part de membres de l’école spécialisée Les Astrôn’Autes, et à l’appui permanent que nous leur apportons au quotidien, je dois dire que tout se passe très bien. Les enfants apprennent, par exemple, plus rapidement les codes sociaux et se mêlent plus volontairement au monde ordinaire puisqu’ils y sont confrontés tous les jours. »
Letizia : « Grâce à leur inclusion au sein des classes, les enfants porteurs d’autisme ont la possibilité d’avoir plus de retours et de répondants lors de leurs interactions sociales. Ce qui leur permet d’évoluer et de s’adapter au monde qui les entoure. »
Est-ce que tous les enfant autistes peuvent prétendre à l’inclusion ?
Nathalie :« Pour moi, chaque enfant porteur d’autisme notamment en âge maternelle doit avoir accès à ce type de classe. Cela dit, du fait des problématiques spécifiques liées à l’autisme, il me semble notamment important que l’enfant soit en voie d’acquisition de certains comportements indispensables à l’inclusion dans un groupe et montre une curiosité pour les autres. Ceci quelles que soient ses compétences cognitives. »
Pensez-vous que d »autres classes de ce type vont suivre le mouvement ?
Nathalie :« Les membres de l’école spécialisée Les Astrôn’Autes aimeraient ouvrir une classe inclusive primaire. Ceci pour permettre aux enfants qui ont vécu l’inclusion en maternelle de pouvoir continuer à suivre ce type d’enseignement. La prise de contact pour ce projet est en cours en ce moment. Si ce n’est notre classe, quelques projets de classes primaires existent en Wallonie et Bruxelles mais cela restent des initiatives de parents ou d’équipes éducatives. »
Letizia : « On espère réellement que l’exemple de cette classe à visée inclusive fera des petits et que plusieurs projets de ce type vont finir par germer. Car la sensibilisation à la différence doit se faire dès le plus jeune âge pour enfin enrayer le regard souvent négatif que la société pose sur le handicap en général. Nous sommes en recherche de partenaires pour pouvoir ouvrir une classe à visée inclusive primaire. Cela permettra aux enfants de la classe maternelle de poursuivre ce magnifique projet mais également de pouvoir offrir cette possibilité à d’autres enfants ! »
Depuis le 1er octobre 2019, Stéphane Moniotte, cardiopédiatre, a pris la tête du Département de Pédiatrie des Cliniques universitaires Saint-Luc. Il succède ainsi au Professeur Christiane Vermylen qui occupait ce poste depuis 2011. Par son humour et sa bienveillance apparente, par son professionnalisme et son expérience avérée, l’homme de 46 ans entend bien bousculer l’ordre établi en faisant du bien être au travail un de ses principaux chevaux de bataille. Il insiste aussi : « L’offre de pédiatrie aux CU Saint-Luc est très complète et mérite plus de visibilité et de reconnaissance. »
Stéphane Moniotte, chef du département pédiatrique des CUSL. Crédit photo : Sofia Douieb
Chef du département pédiatrique des CUSL depuis peu, cardiopédiatre permanent aux CUSL depuis 2007, Docteur en Sciences Biomédicales depuis plus longtemps encore, auteur de près de 50 articles « peer-rewiewed », père de 4 enfants « formidables », marathonien, vidéaste amateur… C’est à croire que la liste des compétences et des multiples casquettes de Stéphane Moniotte pourrait s’allonger encore à l’infini. L’homme pourtant reste simple, modeste et se raconte de façon drôle et imagée. Ce qui ne l’empêche aucunement d’endosser sa nouvelle fonction de chef avec beaucoup de sérieux et d’investissement.
« Je souhaite aujourd’hui continuer à mettre mon énergie et une vision optimiste au service de notre Département de Pédiatrie, pour contribuer, avec vous, à lui bâtir un avenir digne de son passé et à en faire un lieu d’excellence, traduisant nos valeurs communes. », écrit-il dans un texte décrivant son parcours.
« Être chef n’est pas un but en soi; c’est ce qu’on en fait qui importe »
À ce poste de chef, le Professeur n’avait pas spécialement projeté d’y postuler. Car pour lui, « être chef n’est pas un but en soi; c’est ce qu’on en fait qui importe ». C’est donc seulement au terme d’une longue et mûre réflexion qu’il a finalement saisi l’occasion. Mais avant d’écrire son projet et un dossier de motivation (de 85 pages tout de même), il a d’abord cru bon de rencontrer la majorité des membres du département pour récolter leurs avis sur le futur de la Pédiatrie aux CUSL. Ce qui lui a permis, avant même d’être promu, d’obtenir l’adhésion d’une bonne partie du personnel pédiatrique.
Les priorités : communiquer, faire du lien et faciliter la vie des patients
Lors de notre entretien avec lui, Stéphane Moniotte a évoqué les trois principales raisons qui l’ont motivé à poser sa candidature pour ce poste. Des motivations qui sont aussi des pistes d’améliorations et de modernisations de l’ensemble du département pédiatrique, voire de l’ensemble de l’hôpital.
1. Améliorer la communication et la visibilité du département pédiatrique des CUSL.
« Quand vous cherchez sur Google ‘Hôpital pour enfants Bruxelles’, vous tomber rarement directement sur le site des Cliniques Saint-Luc. Ne pas avoir la visibilité d’être un hôpital pédiatrique est clairement problématique. »
« Par exemple, quand il y a un crash de voitures aux quatre bras de Tervuren à 5 min d’ici et qu’il y a un enfant impliqué, les pompiers, les parents, les ambulanciers… veulent tous qu’on l’emmène en ville et non pas aux CUSL qui a pourtant une offre pédiatrique complète… Cette méconnaissance, autant en interne qu’en externe, est effrayante et aberrante. »
Selon le quadragénaire, ce manque de visibilité est en partie dû à une certaine vétusté du site web de l’hôpital, peu attrayant et peu pratique d’utilisation. Heureusement, l’équipe de communication est en train de plancher sur une nouvelle plateforme plus moderne; à l’image de leur site web destiné aux patients internationaux.
Le nouveau projet de reconstruction et d’agrandissement des CUSL (‘Hôpital 20-25’) sera également une autre possibilité de rendre le département pédiatrique plus visible grâce à sa réorganisation. L’architecture sera complètement différente dans le nouvel hôpital et l’organisation sera pensée en filières (comme la filière mère-enfant); ce qui permettra de mutualiser les ressources et de rapprocher les acteurs qui travaillent main dans la main en terme de trajets de soins, ou de suivi des patients. Par exemple, l’obstétrique, la salle d’accouchement et la néonatologie seront logiquement côte à côte. De même pour la cardiologie, la chirurgie cardiaque et les soins intensifs pédiatriques. Il y aura donc une réorganisation dans la conception et dans les espaces qui permettra d’optimiser les flux de patients dans l’institution et la qualité de la prise en charge en général.
2. Faciliter la vie des patients en contribuant à la mise sur pied d’un « Trajet patient informatisé » (TPI²).
Parmi les challenges qui ont motivé Stéphane Moniotte à « faire ce job », comme il dit, c’est que les CUSL vont passer à un système entièrement intégré et numérisé de gestion de l’hôpital et des patients, nommé ‘Trajet patient intégré et informatisé’ ou TPI². Cette réorganisation en profondeur impliquera une intégration de l’ensemble des applications informatiques existantes à Saint-Luc qui contiennent des données liées aux patients (admission des patients, gestion médicale et infirmière à l’étage, pharmacie, gestion des rendez-vous, prise en charge des images…). Ce processus de mise en place d’un EMR (Electronic Medical Record) sera géré par un seul et même software américain : EPIC.
« Il s’agit là d’un projet colossal mais qui est aujourd’hui tout à fait nécessaire, car il va optimiser notre fonctionnement et sécuriser la prise en charge des patients. Le TPI² va simplifier notre travail dans de nombreux secteurs; tout va être scanné plutôt qu’encodé donc nous allons réduire au maximum le risque d’erreurs, toutes les étapes de la prise en charge d’un patient vont être traquées, tout sera traçable, et beaucoup pourra être anticipé… C’est vraiment un challenge qui m’intéressait. »
Les CUSL, qui sont le premier hôpital francophone dans le monde à adopter EPIC, espèrent servir de modèle pour d’autres hôpitaux francophones en Europe, voire au-delà, et pourraient valoriser aussi une partie du travail de préparation à ce processus, comme la traduction en français, ou encore l’adaptation du programme aux règles spécifiques de la Belgique.
3.Créer du lien, premièrement en interne, avec et entre les membres du département de Pédiatrie et les médecins-assistants candidats spécialistes en pédiatrie (MACCS) et deuxièmement en externe avec les partenaires du réseau hospitalier de l’UCLouvain.
« Les partenaires du réseau hospitalier se sentent parfois délaissés ou mis en second plan par rapport à un grand hôpital comme le nôtre. Je voudrais changer cette idée et leur permettre de réellement collaborer afin d’aller plus loin ensemble. Ce qui est un vrai challenge, car cela fait des décennies que ça ne va pas forcément dans ce sens-là. Il faut donc les remettre tous nos collaborateurs en confiance et communiquer le plus possible. » Et cette réalité n’est pas seulement vraie pour les partenaires du réseau. « Les assistants en pédiatrie sont victimes du développement d’une médecine compliquée, très administrative… et sont obligés, malgré eux, de jouer le rôle de petites mains, de secrétaires… »
« Étant passé par là, je sais que ces MACCS travaillent de trop nombreuses heures et sont tout le temps sollicités pour prester des gardes le week-end, la nuit… Ce sont pourtant des humains comme les autres qui ont aussi droit à une qualité de vie, une vie de famille, une vie tout court. »
On l’a compris, le bien-être au travail est l’une des priorités de Stéphane Moniotte ; autant pour ces assistants que pour le personnel en général. Il voudrait par exemple faire en sorte que le « feedback positif » (fait de ne pas souligner uniquement le négatif ou les dysfonctionnements) devienne une habitude. Il est également soucieux de donner la parole à tout le monde et que chacun se sente valorisé dans sa fonction. Et le nouveau chef n’a pas perdu de temps puisque plusieurs initiatives concrètes ont déjà été mises en place, ou sont en cours de concrétisation, dans cette perspective : photo de département intermétier, distribution d’un cadeau symbolique de remerciement en début d’année, discours du nouvel an axé sur le bien-être au travail… et même une course à pied en équipes de deux (un superviseur et un assistant) ; et finalement, la mise en ligne prévue d’une plateforme web d’interaction entre le réseau et le personnel médical et paramédical du département de pédiatrie des CUSL.
Un homme aux multiples facettes
Cette énergie et cette détermination à rendre « le monde » un peu meilleur lui vient certainement de son apparent épanouissement personnel. Deux passions semblent l’animer au quotidien : le sport et la vidéo. « Je cours le Marathon en 2h52; c’est pas rien ! Mais je n’ai pas tellement de mérite, car mon cœur ne bat qu’à 28 pulsations par minute au repos.», explique fièrement le cardiologue. Concernant l’autre corde à son arc qu’est la vidéo, l’homme nous a montré à titre d’exemple un petit film/portrait qu’il a réalisé à Knokke sur sa prédécesseure Christiane Vermylen et qui a été projeté lors de son Éméritat. Il a également réalisé un reportage en trois volets (disponible sur Youtube) intitulé « Naître et Vivre avec une cardiopathie ».
Hôpital 2025, programme de reconstruction des CUSL
Concernant plus généralement les CUSL, un nouveau projet appelé « Hôpital 20-25 » est doucement en train de voir le jour. Il s’agit d’agrandir ou de reconstruire certaines parties de l’hôpital afin de gagner en espace, en modernité et – c’est ce qu’espère le Pr. Moniotte pour son département – en visibilité.
Voilà ce qu’on peut lire sur le web à ce propos : « Le volet le plus spectaculaire du programme ‘Hôpital 2025’ est l’HospitaCité. Il s’agit d’un nouvel ensemble qui comprend la construction d’une nouvelle tour d’hospitalisation et d’accueil du patient (située en face de la tour existante), la rénovation complète du socle médico-technique (comprenant les zones de consultations, le quartier opératoire, le plateau d’endoscopie notamment), la restructuration du noyau logistique (incluant la pharmacie hospitalière ainsi que des espaces techniques et logistiques), la création d’abords végétalisés qui connecteront Saint-Luc au campus de l’UCLouvain et amélioreront la mobilité douce et durable, et la réhabilitation de la tour d’hospitalisation actuelle. Ce programme inclut également la construction de deux autres bâtiments majeurs : l’Institut Roi Albert II qui regroupe les activités de cancérologie et d’hématologie ; l’Institut de psychiatrie rassemblant les activités de psychiatrie pédiatriques et adultes de Saint-Luc et de la Clinique Sanatia (actuellement située à Saint-Josse). »