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Mois de sensibilisation aux cancers pédiatriques : faisons le point !

Le mois de septembre a été désigné comme étant le « Mois de la sensibilisation au cancer infantile ». L’initiative destinée à informer le public sur ce sujet a été initiée, à la base, par la Société canadienne du cancer. Depuis, beaucoup de pays se sont joints à la sensibilisation et de nombreuses associations font en sorte d’en parler le plus possible durant ce mois. Pour Hospichild, c’est aussi l’occasion de faire le point sur la situation en Belgique.

 

« Le cancer d’un enfant, ça n’arrive pas qu’aux autres », déclare Marie-Christine Schoevaerts, fondatrice d’Ensemble pas à pas (association d’aide à la prise en charge des enfants et de leur famille concernés par le cancer), sur sa page Facebook. « En Belgique, chaque année, cette crasse est diagnostiquée chez environ 340 enfants (de 0 à 14 ans) et 180 adolescents (de 15 à 19 ans). Le mois de septembre est une occasion de mettre des mots sur les combats de nos champions et de leurs familles. » Durant ce mois de septembre, en effet, il est conseillé de parler le plus possible des cancers pédiatriques afin de les rendre visibles du grand public, d’obtenir des fonds pour la recherche, de faire bouger les autorités…

20% des enfants décèdent de leur cancer

Pour rappel, 400 nouveaux cas de cancers pédiatriques sont diagnostiqués chaque année en Belgique. Le cancer est la première cause de mortalité par maladie chez les enfants de plus d’un an. Les formes les plus fréquentes sont la leucémie, les cancers du cerveau, les lymphomes et les tumeurs solides telles que le neuroblastome. Les cancers pédiatriques sont en outre de nature très diverse : 90% d’entre eux sont dus à 60 pathologies différentes, ce qui en fait par définition des maladies rares. Malgré les progrès importants réalisés ces 40 dernières années, environ 20% des enfants et adolescents souffrant d’un cancer ne sont pas guéris par les traitements actuels et décèderont de leur maladie, tandis que 40% auront des effets indésirables à long terme. Il est donc important de poursuivre la recherche en oncologie pédiatrique pour améliorer les chances de survie et la qualité de vie de ces jeunes patients.

Recherche pédiatrique en péril

Mais cette recherche est malheureusement en péril, car peu de fonds lui sont octroyés. Dans une interview de Belgian Kids’ Fund accordée à Hospichild, le problème a clairement été évoqué : « La médecine pédiatrique n’est pas ou peu rentable pour l’industrie pharmaceutique. Les cas de maladies rares sont beaucoup plus présents chez les enfants et souvent, ce ne sont que quelques-uns qui sont touchés. Même si on arrive à trouver la solution pour les soigner, l’industrie ne suivra pas dans le développement du médicament, car le marché sera trop restreint. Le financement doit donc venir du côté académique, mais là aussi les universités ne reçoivent pas beaucoup d’argent de l’Etat et n’ont donc pas la possibilité d’investir eux-mêmes dans la recherche. Il faut alors avoir recours au FNRS ou à BKF; mais il y a tellement de demandes que ça ne peut absolument pas couvrir toutes les recherches. Ce qui implique que d’excellents projets sont recalés. Pour obtenir une bourse, il faut donc être le meilleur des meilleurs et viser l’excellence absolue. »

Autre possibilité d’obtenir des fonds pour la recherche sur les cancers des enfants : KickCancer. Il s’agit d’une fondation d’intérêt public qui collabore étroitement avec le Fonds KiCa de la Fondation Roi Baudouin. Sur son site, elle écrit : « Nous avons une mission. Une magnifique mission. Nous voulons guérir le cancer de tous les enfants. Trouver de nouveaux traitements, améliorer ceux qui existent déjà et shooter une bonne fois pour toutes dans le cancer des enfants pour l’envoyer loin, loin à tout jamais, et qu’il ne revienne plus jamais ! » Pas étonnant que KickCancer ait choisi le mois de septembre pour organiser sa course annuelle de récole de fonds (Run to kick)…

« Sur cette planète bizarroïde qu’est l’oncologie pédiatrique, chaque histoire est différente »

« Bien sûr, sur cette planète bizarroïde qu’est l’oncologie pédiatrique, chaque histoire est différente », a encore exprimé M-C Shoevaets sur sa page Facebook. « Pourtant, les familles sont pareillement dévastées. Aujourd’hui, des progrès ont été faits : dans la connaissance de la maladie, les moyens thérapeutiques, la façon de prodiguer un soin… et pourtant… Le cancer d’un enfant, c’est la souffrance de toute une famille et c’est épuisant. C’est un combat de tous les jours. De longue haleine. Contre la maladie proprement dite. Contre ses séquelles. Contre la peur et le chagrin. Contre la mort parfois. Contre le regard et l’incompréhension d’autrui souvent. Le cancer d’un enfant est une galère qu’on ne souhaiterait même pas à son pire ennemi. C’est le compagnon de route de toute une vie, celui qu’on n’avait pas convié, mais qu’il faut bien trimbaler en toutes circonstances, alors qu’on aurait tant envie de l’abandonner sur le bord du chemin. »

Hommage aux soignants en oncologie

Dans les hôpitaux et au sein des services pédiatriques, le personnel soignant est particulièrement mis à l’épreuve face aux cancers des petits patients. Au-delà des soins proprement dits, ils veillent sur eux et les rassurent au quotidien. Ils soutiennent aussi les parents, les écoutent, les portent parfois à bout de bras ou accueillent leur pleurs, leurs rires… malgré des conditions de travail difficiles, à peine envisageables. « Quand l’enfant est malade, c’est toute une famille qui a besoin de réconfort. Une philosophie de soins centrée sur la famille », expliquait un jour un soignant à Hospichild. « Lorsque c’est possible, les parents sont invités à collaborer avec le personnel soignant, cela permet de tisser un lien autour de l’enfant, entre les parents, les médecins et les infirmiers ».

Associations d’aide et de soutien

En soutien aux parents, les associations d’aide et de soutien ont un rôle non négligeable. Par exemple : Centre de psycho-oncologie, Fondation contre le cancer, Jour après jour, Ensemble pas à pas… Ces deux dernières associations ont justement été créées par M-C Schoevarts qui conclut sur sa page Facebook : « Écoute et soutien moral, moments de répit et activités récréatives, séjours revivifiants, aides financières et sociales… Chaque jour, dans nos vies de parents et dans nos engagements associatifs bénévoles auprès d’Ensemble, Pas à Pas asbl et asbl Jour après Jour, nos pensées et nos énergies vont vers les enfants/ados actuellement en traitement, ceux qui sont dans le doute et mettent tous leurs espoirs dans la recherche, ceux qui en sont sortis, ceux qui nous ont quittés mais guident encore chaque jour nos pas… vers leurs parents, vers leurs frères et sœurs… vers les soignants et ceux qui, d’une façon ou d’une autre, entourent ces familles tout au long de leurs parcours… »
Sofia Douieb

 

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Handicap : un nouveau collectif sensibilise à la Communication Alternative et Améliorée (CAA)

La Communication Alternative et Améliorée (CAA), pratique destinée à toute personne ayant des besoins complexes de communication, serait encore trop méconnue, voire sous-estimée dans le secteur du handicap. Pour en parler et sensibiliser les acteurs concernés, un tout nouveau collectif francophone et international vient de voir le jour : le collectif « CAA – ma voix – mes droits ». 

Pour Amélie Kaisin, logopède et représentante du collectif en Belgique, interviewée par Hospichild : « Il faut sensibiliser à cette pratique parce que trop peu de professionnels y sont sensibilisés ; la CAA n’est pas proposée – voire refusée – à de nombreuses personnes qui en auraient besoin pour faire valoir leur droit universel qu’est la communication. » 

Création du collectif « CAA – ma voix – mes droits »

Depuis sa création en juin 2021, ce nouveau collectif francophone présent dans une dizaine de pays comme la Belgique, la France, l’Algérie, le Canada, la Suisse…, espère revaloriser et démystifier la communication alternative et améliorée. « Ce collectif est né d’un désir de diminuer les injustices et d’augmenter l’accès à la communication pour toutes ces personnes. Nous souhaitons rappeler que la communication est un besoin vital et qu’elle ne doit pas passer en second plan », insiste Amélie Kaisin. Grâce aux partenaires bénévoles dispersés aux quatre coins du monde – utilisateurs de CAA, parents, professionnels…-, des actions de sensibilisation à la CAA seront mises en place pour que les inégalités diminuent et que les droits des personnes soient défendus. Mais aussi que les professionnels soient mieux formés, que les lieux publics soient accessibles à tous en terme de CAA, que l’accompagnement et certains outils soient mieux remboursés…

Communication Alternative et Améliorée, quésaco ?

La CAA peut se mettre en place via plusieurs systèmes (application, logiciel, gestes, carnet, livre, tableau…), mais également par plusieurs accès (pointage, commande oculaire, contacteurs…)
A. Kaisin explique : « La CAA, en plus de soutenir la communication, permet de développer l’autonomie, les apprentissages en général et notamment l’accès à la lecture. Cela permet ainsi à chacun de devenir une personne à part entière – c’est trop souvent loin d’être une évidence pour les personnes ne parvenant pas à s’exprimer, cela provoque beaucoup de frustrations, d’injustices et d’isolement. » 

« Présomption du potentiel » dans l’accompagnement des personnes

Le collectif défend également l’importance de la ‘présomption du potentiel’ dans l’accompagnement des personnes. « Pour résumer, ajoute la représentante belge du collectif, quand on ne parvient pas à cerner les compétences d’un enfant, il est moins dangereux de présumer qu’elles sont présentes plutôt qu’absentes. De plus, il est impossible de prédire les capacités d’apprentissage d’une personne sans essayer et sans y croire. »  Pour (re)donner confiance aux enfants, les professionnels (logopèdes, ergothérapeutes…) qui les suivent doivent idéalement travailler main dans la main avec les familles pour avancer ensemble et faire en sorte que la CAA améliore leur capacité à communiquer.

Recueil de témoignages

L’un des moyens utilisés (à côté des kits de sensibilisation ou la création de vidéos) par le collectif pour sensibiliser les professionnels et les familles à la CAA, c’est de collecter un maximum de récits d’expériences positives. Un grand recueil de témoignages est en cours de conception et permettra à tout ceux qui doutent, de se lancer eux aussi dans l’aventure. Voici par exemple un extrait particulièrement touchant :  « Je suis la maman de Nolan, 4 ans et demi, atteint d’une maladie génétique rare qui le prive de la parole. Nous avons eu la chance de rencontrer des personnes exceptionnelles qui ont des enfants atteints de la même pathologie que notre fils. Nous nous sommes incrits sur differents groupes dont on nous a parlé, dont la CAA. (…) Plus nous donnons de moyens pour communiquer à notre enfant, plus il aura de cartes en mains et pourra se faire comprendre. Avec Nolan, c’est un long travail de répétitions. Il faut beaucoup de patience, de temps, mais nous savons que tout ce travail portera ses fruits. L’école de Nolan (IMP) s’implique également dans ce mode communication, ce qui est un plus. Car nous parlons tous le même langage maintenant. »

→ Pour témoigner, envoyez votre texte et une photo à macaamavoix@gmail.com

 

Sofia Douieb

 

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L’extra-scolaire des enfants gravement malades est passé à la trappe durant la crise

Depuis le début de la crise autour du Covid, de nombreuses associations actives dans l’extra-scolaire ont été contraintes de ralentir considérablement leurs activités. Lorsque des enfants gravement malades sont concernés, ce constat est encore plus vrai du fait des plus grands risques sanitaires encourus. L’asbl Exploits Sportifs (AEXS), qui offre du répit à ces enfants, a notamment été touchée de plein fouet et tente, tant bien que mal, de récolter des fonds. 

Extra-scolaire enfants malades
© Exploits Sportifs

 

« L’année écoulée fut très difficile, parce que beaucoup de nos événements de récolte de fonds ont dû être annulés. L’AEXS a donc reçu moins de dons ou d’aides que les années précédentes. À part quelques activités et un stage de voile organisés pour les enfants, l’offre de répit fut nettement amoindrie. Pour préserver leur santé surtout, mais aussi pour des questions de trésorerie. », a déploré Samia Krim, chargée de communication de l’asbl. 

Des activités quasiment de répit à l’arrêt

En temps normal, l’association Exploits Sportifs, qui existe depuis 1999, permet aux enfants (de 8 à 12 ans) avec des maladies chroniques ou neurologiques (ou aux enfants défavorisés depuis peu) de participer à des activités sportives et des camps de vacances. « On essaie de leur offrir des sourires et des moments de bonheur grâce à des sorties sportives ou récréatives et à des séjours d’une semaine pour faire de la voile ou autre (ce qui apporte beaucoup plus sur le plan du savoir-vivre et de la pédagogie). Quoi qu’il en soit, les enfants sont toujours encadrés par des animateurs et du personnel médical adapté. Ce sont à la fois des moments de répit pour eux, mais également pour les parents. » Durant cette période compliquée qui ne cesse de se rallonger, très peu d’activités ont lieu ; ce qui est réellement problématique pour les familles.

Courir pour la bonne cause

Malgré cette baisse de régime, l’AEXS a toujours besoin de dons. Mais comme les actions de récolte de fonds habituelles ont également été annulées, c’est difficile pour l’association d’en récolter assez. Heureusement, d’autres initiatives de soutien ont vu le jour comme, par exemple, des challenges sportifs. En cours en ce moment (et jusqu’au 30 avril), un challenge organisé par les étudiants de Louvain La Neuve (UESM) consiste à atteindre, à distance, un total de 4000 heures d’activités physiques. Une fois cet objectif atteint, tous les dons récoltés via la cagnotte Leetchi ou les sponsors seront reversés à l’AEXS.

Aides logistiques de la commune

En outre, la commune d’Auderghem, au sein de laquelle les locaux (communaux) de l’association sont basés, lui fournit, depuis des années, une aide logistique et financière. C’est-à-dire que lors des événements, la commune fournit gratuitement le matériel et met des lieux à disposition. Une petite prime leur est également accordée chaque année. D’ailleurs, l’échevine des Sports d’Auderghem, qui a participé au challenge sportif de l’UESM, accorde une importance toute particulière à aider ce genre d’association : « Si je peux les soutenir d’une manière ou d’une autre, ne fut-ce qu’en relayant leurs action sur nos canaux de communication, je le fais avec plaisir. Je leur viens également en aide logistiquement. Par exemple, l’association a prévu d’organiser un tournoi de football et la commune leur mettra gratuitement à disposition le terrain, mais aussi des tonnelles, des tables… Pour sa brocante annuelle également, on leur fournit tout ce dont ils ont besoin. » 

Pour soutenir Exploits Sportifs

Comme évoqué plus haut, l’association a besoin de soutien. Voici donc quelques moyens simple de les aider :

En faisant un don
– En participant aux challenge sportif  
– En participant à leurs événements
– En les suivant sur les réseaux sociaux 

 

Sofia Douieb

 

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Même à distance, les Docteurs Zinzins n’ont jamais cessé leurs visites extra-ordinaires auprès des enfants hospitalisés

Rire, en ce moment, est devenu plus essentiel que jamais. Et d’autant plus pour les enfants hospitalisés qui ne peuvent plus recevoir autant de visites, ni interagir aussi librement qu’avant avec leur environnement aseptisé. Dans ce contexte, les Docteurs Zinzins, des clowns hospitaliers, n’ont rien voulu lâcher malgré l’interdiction de se rendre sur place. Ils ont rapidement apprivoisé l’outil numérique et en ont même tiré certains avantages. Tout cela pour continuer, coûte que coûte, à offrir une bulle d’oxygène et de rire aux enfants malades. Hospichild a eu l’honneur d’interviewer deux de ces clowns hors du commun : Thierry Boivin, dit Biscuit, et Sophie Bonhote, dite Aglagla. 

Crédit photo : Docteurs Zinzins

 

Depuis le mois de mars 2020, les métiers du spectacle sont à l’arrêt. Si certains ont trouvé des parades numériques pour continuer à pratiquer leur métier, c’est loin d’être une généralité. Pour les Docteurs Zinzins, ces clowns qui se relaient au chevet des enfants hospitalisés depuis 1992 à l’Hôpital des Enfants, la parade virtuelle a plus ou moins fonctionné. Mais, comme l’ont confié Biscuit et Aglagla à Hospichild, « il a fallu s’adapter et trouver de nouvelles façons de se donner en spectacle. Si certains avantages ont pu surprendre agréablement, le contact humain reste primordial et ne devra jamais être remplacé par une relation par écrans interposés. »

Maintenir coûte que coûte le contact avec les enfants

Ce qui était primordial également pour les Docteurs Zinzins, c’était de garder coûte que coûte le contact avec les petits patients hospitalisés. Il fallait absolument continuer à les faire rire. Si au début de la crise, seuls les appels vidéos étaient possibles, il leur est désormais accordé de voir certains enfants dans le jardin de l’hôpital. Mais, contrairement à Saint-Luc ou Erasme au sein desquels ‘Les Clowns à l’hôpital’ ont désormais le droit d’être présents dans les chambres, la plupart des rencontres avec les enfants hospitalisés à l’Huderf restent encore virtuelles pour le moment. « C’était très compliqué au début de s’organiser pour maintenir le contact », a souligné Sophie Bonhote. « Mais grâce aux éducateurs qui font le lien sur place et qui entrent dans la chambre de l’enfant avec la tablette, on a pu petit à petit mettre en place une routine qui fonctionne. »

L’implication indispensable du personnel soignant

L’implication des éducateurs ou des autres membres du personnel soignant est effectivement indispensable dans ce genre de situation, parce que l’enfant peut parfois se sentir mal à l’aise devant l’écran et avoir besoin d’être rassuré par une personne qu’il connaît. « Ce qui est magnifique, c’est que la plupart du temps, les éducateurs décident de rester avec l’enfant pendant l’appel. Ils s’impliquent et jouent avec nous pour rendre le moment encore plus réussi. On s’est rendu compte que, finalement, les professionnels aussi avaient besoin de décompresser et de rire. D’ailleurs, pour les remercier on a plusieurs fois organisé des sessions zoom rien que pour eux et, plus récemment, on s’est même donné rendez-vous à l’extérieur pour danser sur l’air de Jerusalema. C’était vraiment très gai. » 

« Il a fallu apprivoiser l’outil numérique »

Gérer et maîtriser les sessions Zoom et les contacts virtuels avec les enfants fut l’un des challenges les plus importants pour les Docteurs Zinzins. Et pour expliquer la façon dont l’outil numérique a été à la fois un frein et une aubaine pour eux, rien de tel que de laisser la parole, en vidéo, à nos deux interlocuteurs.

Rencontrer pour la première fois un enfant quand on est à distance

Une autre difficulté évoquée fut le moment délicat de la première rencontre virtuelle avec l’enfant hospitalisé. Thierry et Sophie ont par exemple expliqué : « Il y a eu ce contact un peu chaotique avec une adolescente qui ne nous trouvait pas drôles et qui semblait peu réceptive à notre démarche. On a néanmoins continué en jouant dans son sens, en lui donnant raison ; on a fait un peu de musique aussi. Finalement, on a eu un retour de la psychologue qui nous a dit à quel point elle avait apprécié notre rencontre et qu’elle avait fondu en larmes à la fin de l’appel tant c’était difficile de nous quitter. »  

Les deux clowns ont ensuite évoqué la manière dont ils ont interagi avec un petit garçon italien hospitalisé en oncologie qui les voyait également pour la première fois : « On a commencé très loin de l’écran et on jouait au ballon. Ensuite, on s’est rapproché doucement en l’impliquant petit à petit afin de lui laisser le temps d’entrer dans notre jeu. À un moment, la balle est tombée et on lui a demandé en italien si il savait où elle était partie… Ça l’a fait rire et là on a su que c’était gagné et qu’on pouvait continuer comme d’habitude. » 

Quid de la suite ?

Depuis quelques semaines, les clowns de l’association ont à nouveau la possibilité de se rendre à l’hôpital et de rencontrer des enfants en présentiel, mais seulement en extérieur. La dernière visite en date était assez inhabituelle puisque Biscuit et Aglagla ont eu la possibilité d’interagir, pour la deuxième ou troisième fois, avec des enfants autistes de l’ Unité A.P.P.I à l’Huderf. Âgés de 1 à 3 ans, ils étaient assez fascinés par la musique et plutôt réceptifs ; ce qui a agréablement surpris les éducateurs.

Évidemment, d’autres enfants hospitalisés peuvent également bénéficier de cette bulle d’oxygène au grand air s’ils le souhaitent ou s’ils en ont l’autorisation. Et si ce n’est pas le cas, les sessions Zoom continuent, et continueront, à prendre le relais. « L’expérience du virtuel est utile et souvent bénéfique pour les enfants, mais il ne faudrait quand même pas que ça remplace nos visites en présentiel sous prétexte que cela fonctionne bien. On a besoin et on a envie d’être physiquement présents pour les enfants », a finalement conclut Thierry Boivin.

 

Sofia Douieb

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De l’importance de « Prendre soin… des soignants » (compte-rendu de conférence)

Dans le cadre d’un cycle de conférences intitulé « prendre soin », les équipes de La Cité Miroir et de la Maison des Sciences de l’Homme de l’Université de Liège ont consacré leur dernière conférence en ligne aux soignants et à la façon dont leur bien-être et leurs conditions de travail ont pu être « soignés » durant ces derniers mois. 

Pour Hospichild, la thématique du vécu des soignants a toujours été essentielle et a même fait l’objet d’un colloque il y a quelques années de cela. À présent, le sujet est heureusement de plus en plus souvent abordé. C’est d’ailleurs le cas dans cette conférence passionnante organisée au début du mois et dont les intervenants étaient Nathalie Zaccaï-Reyners, chercheure qualifiée du Fonds de la Recherche Scientifique et professeure de « socio-anthropologie du quotidien » à l’ULB et Alexandre Ghuysen, urgentiste au CHU de Liège. En voici, pour vous, le compte-rendu.

« Être poussé dans ses retranchements a parfois du bon »

Le vécu des soignants a été lourdement mis à l’épreuve durant la pandémie. Alexandre Ghuysen, urgentiste au CHU de Liège, a souhaité mettre en lumière les aspects positifs de cette pression extrême ; sans pour autant nier les difficultés. Selon lui, être poussé dans ses retranchements a parfois du bon.« La crise du Covid est une expérience hors norme que personne n’a vécue auparavant. Sur le terrain, c’est un excellent révélateur de ce qu’il faut améliorer et adapter bien sûr, mais aussi de ce qui fonctionne bien. Des modalités doivent être trouvées en urgence et le travail d’équipe est primordial dans ce genre de situation. »

« Le relationnel du soin n’a pas pu être suffisamment mis en place »

De son côté, la chercheuse Nathalie Zaccaï-Reyners a confirmé et détaillé ces propos en trois points : « C’est en effet au moment des crises que les évidences qu’on ne voyait plus en temps normal ressurgissent. Ce que ça a mis en valeur premièrement, c’est que le soin médical en hôpital ne dépend pas que des soignants, mais bien de toute une structure plus large et complexe (pouvoirs publics pour les décisions, structures internationales pour le matériel…) D’un point de vue du ressenti des soignants, deuxièmement, il est ressorti que le relationnel du soin n’avait pas suffisamment pu être mis en place et que la technique a pris trop de place durant la crise. Et troisièmement, il y a ce point positif déjà évoqué qui est la dynamique positive du travail collectif et la solidarité intense entre les professionnels du soin. »

Ces métiers d’aide et de soin qui sont sortis de l’ombre

Toujours selon le docteur Zaccaï-Reyners, la notion du soin s’est élargie, dans la perception générale, à toutes les tâches qui soutiennent le maintien de notre monde et la reproduction de nos vies. Ce ne sont donc plus uniquement les soignants engagés dans les secteurs officiels du soin qui doivent être considérés, mais bien toutes celles et ceux qui effectuent un travail d’aide et de soin au sens très large (sans pour autant être valorisés). Par exemple, on s’est rendu compte que les éboueurs prenaient des risques, que les chauffeurs routiers étaient indispensables à notre approvisionnement, que les livreurs et les caissières de supermarchés étaient des héroïnes, etc.

Malgré les risques, l’engagement professionnel n’a pas failli

À l’hôpital, début mars, la responsabilité de tous les chefs de services qui ont dû choisir les équipes à envoyer au front était extrêmement compliquée à assumer. « On savait que certains tomberaient malades, parfois gravement, que certains allaient mourir, mais aucun membre du personnel soignant n’a refusé de remonter ses manches car les soignants se sentaient investis d’une mission importante, a expliqué Alexandre Ghuysen. Bien sûr, dans ce contexte, on était heureux d’être applaudis et soutenus par la population. Mais il y avait également un arrière goût amer à cela puisqu’on s’est rendu compte que, depuis le temps que notre métier n’est pas reconnu, les gens ont eu besoin d’une crise mondiale pour enfin comprendre notre importance. De plus, beaucoup de personnes ont confondu le message et le messager et nous ont reproché les mesures strictes. » 

De l’importance d’un soutien permanent des soignants

L’urgentiste a continué en évoquant le fait que le soutien permanent entre les soignants fut primordial pour préserver la santé mentale des équipes. « Lors des débriefings, nous nous réunissions pour évoquer les difficultés de chacun, ce qui manquait, ce que l’un ou l’autre avait besoin pour se sentir mieux… Grâce à ces moments quotidiens, des solutions pouvaient rapidement être proposées et appliquées dans la foulée. Parfois, ce furent des choses infimes comme par exemple cette infirmière qui demandait simplement à pouvoir écouter de la musique. » 

Quid de l’après pour ces héros de la crise ?

« J’ai beaucoup de crainte de ce qui va advenir pour ces héros qui se sont sacrifiés lors de cette crise », a avancé Nathalie Zaccaï-Reyners. Elle a peur que les gens préfèrent oublier et laisser cela derrière eux sans plus donner d’importance à ces « anciens combattants ». Alexandre Ghuysen, qui partage cette crainte, s’est empressé de confirmer : « Le syndrome de l’ancien combattant est effectivement à craindre. On nous dira qu’il faut tourner la page et qu’il ne faut plus en parler. On se retrouvera isolés entre nous pour s’en libérer un peu. Il y a aussi la culpabilité du syndrome du survivant qui pourra être ressentie par ceux qui sont passés entre les mailles du filet. Ensuite, les gens se souviendront peut-être négativement de la dictature sanitaire qui a été imposée et elle sera peut-être mise sur le dos des soignants qui auraient empêché la population de vivre normalement pendant 1 an et demi… Et la dernière question qu’on peut se poser pour la suite : « Est-ce qu’il y aura quelque chose de constructif qui va émerger pour faire en sorte que les dysfonctionnements de la crise ne se reproduisent pas ? » 

Sofia Douieb

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