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25 balais pour Le Pont des Arts : « Il fallait marquer le coup ! »

Le Pont des Arts, troupe d’artistes se produisant au chevet des enfants hospitalisés, existe depuis 25 ans. Pour marquer le coup et davantage se faire connaître du grand public et des professionnels, ils ont organisé, le 8 novembre dernier, une belle fête d’anniversaire au théâtre Marni à Bruxelles. Au programme : crêpes, atelier de création de badges, spectacles, discours, soupe, DJ, etc. Hospichild y était pour vous.                    

« On n’a pas tous les jours 25 ans, il fallait bien marquer le coup ! », déclare Fabienne, chargée de récolte de fonds ou, comme ses collègues aiment à l’appeler, « chercheuse d’or » au Pont des Arts. Dans la salle, les invités sont déjà nombreux à faire la file pour les crêpes. Maxime, le jongleur de la troupe, fait virevolter ses quilles au dessus de la tête des enfants, subjugués. Certains d’entre eux enchaînent directement avec l’atelier de création de badges personnalisés. Aux murs, une exposition de peinture a été installée par Véro, l’artiste plasticienne du Pont des Arts. Ces petites peintures délicates aux tons pastel ont été réalisées par les enfants hospitalisés dans un des cinq hôpitaux partenaires au sein desquels les artistes se produisent de façon hebdomadaire. Très vite, l’attention des convives se déplace vers la scène principale : le premier spectacle va commencer !

 

Montrer sur scène l’intimité des chambres d’hôpitaux

En guise de premier spectacle ou de « cabaret », trois artistes du Pont des Arts se sont succédé sur la scène. Gauvain le conteur, Margarita la danseuse et Régine la chanteuse voulaient donner au public un aperçu de leur métier au pied des lits des patients hospitalisés. L’espace de quelques minutes, ils sont sortis de l’intimité des chambres d’hôpitaux pour livrer au public les quelques paroles, notes de musique ou pas de danse qu’ils consacrent habituellement aux patients. « Ce sont souvent des moments magiques d’échanges humains et artistiques », précise Gauvain après avoir conté une captivante histoire japonaise. Régine quant à elle, entre deux chansons, insiste sur les bienfaits de ces moments de musique pour les personnes âgées, les enfants ou même les bébés prématurés.

Charlotte, marionnettiste pour le Pont des Arts et (en deuxième plan) Régine, la chanteuse de la troupe

Julie Demeyer, nouvelle marraine

Julie Demeyer, présentatrice chez RTL, nouvelle marraine du Pont des Arts

Après une pause permettant à de nouveaux convives de rejoindre la fête, l’heure des discours et des remerciement a sonné. Fabienne commence par rappeler ce qu’est le Pont des Arts. En quelques chiffres : 3.000 patients bénéficient des visites de six artistes chaque année ; cinq hôpitaux sont partenaires, ainsi que deux centres pour personnes de grande dépendance (ex : Villa Indigo) ; une nouvelle marraine de marque vient de rejoindre l’aventure… Elle s’appelle Julie Demeyer, présentatrice pour RTL, notamment de l’émission « Les petits patients » qui s’est immiscée plusieurs semaines au sein d’un service pédiatrique. Présente lors de l’événement du Pont des Arts, elle raconte sur scène son expérience personnelle de la grande prématurité et les bienfaits manifestes de la visite des artistes au chevet de ses propres enfants Gaspard et Achille. Enfin, d’autres discours plus institutionnels ont lieu, comme ceux de deux membres de la COCOF ; conseillère aux affaires sociales d’une part et conseillère de la Culture d’autre part. Leurs services soutiennent financièrement les activités du Pont des Arts depuis de nombreuses années.

Programmer un spectacle, une des multiples façons de soutenir le Pont des Arts 

Place ensuite au deuxième spectacle de l’après-midi. Nommé « Croké-là », il s’agit d’une courte représentation jeune-public de musique, chant et théâtre d’objets créée et interprétée par Régine Galle et Nico Castiaux, deux membres du Pont des Arts. Le pitch : « Deux chanteurs-musiciens fricassent librement différents classiques dans une langue inventée. Un pique-nique musical avec comme partenaires : quatre tasses, deux cuillères, une théière, deux pinces à thé, deux fouets ménagers, et des coupes à champagne… » 

Nico Castiaux et Régine Galle dans le spectacle « Croké-là »

 

Ce spectacle, tout comme les trois autres créés par la troupe, est généralement joué pour les enfants hospitalisés, mais est également disponible à la diffusion pour tout événement, lieu ou organisation intéressée. D’ailleurs, il s’agit-là d’une des multiples façons de soutenir financièrement l’association. Car le Pont des Arts a besoin de sous pour fonctionner. D’autres actions sont donc également les bienvenues : acheter le livre « Le Cirque du Vent », organiser une collecte de fonds, devenir ambassadeur, diffuser le film « La vie est là », faire « le don de l’art », etc.

Texte et photos : Sofia Douieb

Vers le site web du Pont des Arts 

Soutenir la compagnie 

 

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Sortie littéraire : « Les Dragons » redonne de l’humanité aux ados en souffrance

Parmi le flot des livres de la rentrée littéraire, il y en un, bien de chez nous, qui aborde la thématique des adolescent.e.s en souffrance : « Les Dragons » de Jérôme Colin. Et c’est une vraie pépite, authentique, poignante, qu’il faudrait mettre de toute urgence entre les mains des parents, des accompagnants et de tous les « dragons », ces jeunes, de plus en plus nombreux, en difficulté psychique.  

« Les gamins souffrent de plus en plus. Il va falloir s’en inquiéter. La pandémie a laissé des traces. Pour ceux qui étaient déjà dans une forme de retrait social, tout s’est effondré. Ils se sont désinvestis de tout et sont aujourd’hui incapables de se raccrocher. Ils ne veulent plus sortir de chez eux. C’est un cercle vicieux que nous devons briser car la vie sans les autres est mortifère. (…) On a des gamins qui font des tentatives de suicide à treize ans, des cas d’anorexie graves chez des jeunes filles de douze ans. On ne voyait pas ça avant ou de manière exceptionnelle. Les phobies scolaires explosent… »  Cet extrait du roman très poétique de Jérôme Colin, journaliste et auteur bruxellois, souligne l’ampleur du problème et la nécessité de ne pas se taire face à toutes ces souffrances.

« Le monde, en réalité, est peuplé de dragons »

Dans ce récit qu’on pourrait penser autobiographique – mais qui ne l’est pas – l’auteur, qui était lui aussi un jeune en colère et révolté, veut véhiculer un message principal : « Le monde, en réalité, est peuplé de dragons ». Il entend par là que les adolescent.e.s en difficulté psychique, qui sont quelques fois contraint.e.s de fréquenter des centres de soins, sont plus légion qu’on ne le croit. Il veut donner espoir aux jeunes et les inciter à ne pas rester seuls et à ne pas perdre espoir. Il écrit : « Il faut raconter pour que ces enfants sachent que leur mal-être n’est pas une fatalité. Que l’avenir est chargé de promesses. Qu’un jour, l’autre apparaît et bouleverse tout. »

Jérôme et Colette, les voix de tous ces jeunes en souffrance

Jérôme Colin, le présentateur de « Hep Taxi », donne vie, dans son troisième roman, à deux personnages poignants : Jérôme et Colette. Le premier a 15 ans, en colère contre ses parents, violent, en décrochage scolaire, qui n’a plus le goût à rien. La deuxième a 18 ans, est anorexique et vient de se taillader les poignets (jonchés d’écailles de dragon). Ils se rencontrent dans la maison d’ados « Horizon + » qui est « un centre psychiatrique proposant des soins pour adolescents de 13 à 18 ans et dont l’objectif est de répondre à tout type de crise et de problèmes psychiques. » Il a un coup de foudre, mais elle ne pense qu’à une seule chose : mourir. Jérôme veut la sauver et partir avec elle pour vivre dans « une petite maison avec des tas de fenêtres ». La réalité est autrement plus sombre et il devra s’y faire. Mais quoi qu’il en soit, cette rencontre va bouleverser sa vie et lui donner la force de se battre. 

Il suffit parfois d’un déclic, d’une personne, d’un livre… pour que tout change

Au sein du récit, Jérôme pensait que tout était vain et perdu d’avance, mais son séjour dans cette maison d’ados va tout changer. Et pas que grâce à Colette. En effet, plusieurs déclencheurs vont en quelque sorte le sauver. Il y a d’abord la rencontre avec le psychologue qui, pour une fois, ne l’a pas pris pas pour un idiot et a su poser les bons mots : « C’est normal que vous vous retranchiez dans vos chambres parce que c’est ce que fait le monde. Il se recroqueville. Et il a tort. (…) Il faut arrêter de toute urgence de dire aux gens ‘pensez à vous !’. Il faut leur dire ‘Comment pouvons-nous nous rencontrer ?’ (…) L’échange est la seule voie possible vers la réparation. » Et puis, il y a eu l’atelier d’écriture où il s’est découvert le talent de raconter : « Ne vous inquiétez pas pour l’orthographe ou la grammaire. On a le droit de faire des fautes. On n’a pas le droit de taire ce qui est en nous. » Et enfin, un livre en particulier l’a bouleversé, « Des souris et des hommes » de John Steinbeck, dont il a retenu quelques phrases clé : « Quand l’incroyable viendrait enfin à advenir »  ; « La force est d’aimer le faible » ; « Ce qui compte, c’est parler. C’est être avec un autre. Voilà tout. »

Sofia Douieb

→ « Les Dragons » est disponible dans toutes les librairies.

↓ Une des interviews de Jérôme Colin sur son livre « Les Dragons »

 

 

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Portes ouvertes de la Villa Indigo, « un deuxième chez soi » pour les enfants gravement malades

Fin mai, la Villa Indigo, maison de répit pour enfants gravement malades, avec ou sans handicap, a ouvert ses portes pendant une journée aux professionnels de la santé. Hospichild, impliqué depuis le début dans la mise sur pied (en 2010) de ce lieu inédit à Bruxelles, était bien évidemment présent pour visiter une nouvelle fois les locaux et se mettre au courant des nouvelles initiatives.   

Jean-Michel Bernard, directeur de la Villa Indigo depuis 2020

Devant cette immense bâtisse située dans un quartier reculé d’Evere, le directeur des lieux depuis 2020, Jean-Michel Bernard, attendait les quelques professionnels de la santé venus pour l’occasion. Il commença la visite, tout en expliquant le but et le bien-fondé incontestable d’une telle maison à Bruxelles. Comme on peut lire dans le prospectus qu’il nous distribua : « La Villa Indigo est une maison de répit qui accueille des enfants gravement malades dans un cadre convivial et chaleureux, tout en assurant des soins de qualité. Elle a été créée afin de soutenir les familles d’enfants malades en leur offrant la possibilité de souffler et de se reposer pendant quelques jours. Un moment pour s’occuper de soi, vivre à un autre rythme ou pour offrir un peu plus d’espace à la fratrie. »

10 chambres avec vue sur jardin

Premier arrêt dans les chambres « où le wifi ne capte pas bien », destinées aux enfants plus petits ou plus dépendants. Certaines des cinq chambres de cette aile de la maison (il y en a 10 au total) sont munies de lits médicalisés et d’autres de lits avec de hautes parois – appelés lits cabanes. Toutes ont une vue sur un coin de verdure et étaient baignées d’une lumière chaleureuse lors de notre visite. Deux nouvelles chambres sont en projet afin de pouvoir accueillir encore plus d’enfants.« Afin de permettre à chaque famille de profiter de la Villa Indigo, les séjours sont limités à sept jours d’alés et pour un maximum 32 jours au cours d’une année, précise le directeur entre deux pas de portes. Si la maison est archi complète les week-ends, les jours fériés ou les vacances, ce n’est pas encore le cas durant la semaine. Pour continuer à recevoir l’entièreté de nos subsides, il faudrait pourtant que l’occupation en période scolaire augmente même si ce n’est pas la période préférée des familles ! »

  

  

Prise en charge comme à la maison

« Pour le prix, c’est actuellement 6,76 euros par jour en fonction de la couverture de la mutualité ; rendant le séjour accessible à un maximum de familles concernées », souligne Jean-Michel Bernard en se dirigeant vers les salles communes. Tout le long du couloir, il ouvrit des portes successivement : une salle de bain de détente avec baignoire adaptée et une ambiance tamisée ; une salle de loisirs avec une télévision, des jeux de société et des livres ; un local de massothérapie (les massages sont prodigués presque une fois par semaine par Fanny Clacus de la Casa Clara) ; un local infirmier ; un espace snoezelen (espace aménagé et propice aux expériences sensorielles et corporelles) ; un jacuzzi ; etc.

 

Équipe pluri-disciplinaire composée d’une vingtaine de professionnels

Dans la grande pièce de vie, les enfants mangeaient le repas du midi autour de plusieurs tables, assistés par des accompagnants. L’environnement est coloré et agréable, la cuisine est ouverte sur la pièce de vie. Une petite fille en chaise roulante voulut connaître nos prénoms et riait de bon cœur. Une des éducatrices nous expliqua la composition du personnel présents 24h sur 24 et 7 jours sur 7 dans la Villa (en alternance évidemment). L’équipe est pluri-disciplinaire et composée d’une vingtaine de professionnels, bénévoles et stagiaires. Il y a donc des infirmières, une pédiatre, des puéricultrices, des psychologues, des animateurs / éducateurs spécialisés, un cuisinier et du personnel administratif (dont le directeur qui est resté avec nous tout le long de la visite).

 

Le jardin et ses multiples aménagements

Fin de la visite dans le beau et grand jardin muni de multiples aménagements tels qu’une plaine de jeux, une allée de plantes, une cabane de jardinage, un espace repas, un coin détente, etc. La Villa accueille également certains enfants uniquement en journée. « Depuis 2010, nous avons ouvert nos portes à des centaines de familles. Les demandes de séjours augmentent de jour en jour et chaque semaine, de nouvelles familles viennent visiter la maison dans l’espoir de pouvoir y bénéficier d’un moment de répit de qualité ! » conclut Jean-Michel Bernard en nous ouvrant le portique vers la sortie.

→ Contacter la Villa Indigo au 02 205 09 00 ou via leur nouveau site web villaindigo.be

 

Photos et texte : Sofia Douieb

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Dynam’Autes a cinq ans et veut (toujours) « créer du lien dans les moments creux » de la prise en charge des jeunes autistes

Constituée en asbl en 2018, Dynam’Autes est un service d’accompagnement, de loisirs et de répit pour enfants et adolescents (de 3 à 16 ans) porteurs de troubles du spectre de l’autisme. Une association qui vient tout juste de fêter ses cinq ans d’existence ! Il y a deux ans, Samuel Engels, directeur et éducateur (qui vient de quitter ses fonctions), et Armonie Offermans, éducatrice, étaient venu dans les locaux d’Hospichild pour parler de Dynam’Autes, mais également de la prise en charge de l’autisme en général. 

Dynam'Autes asbl
Dans les locaux d’Hospichild ; l’équipe de l’asbl Dynam’Autes : Samuel Engels, directeur et éducateur, et Armonie Offermans, éducatrice.   Crédit photo : Sofia Douieb

 

Après avoir constaté un manque criant d’activités extra-scolaires adaptées pour les enfants avec autisme, plusieurs membres de l’école ‘Les Astrôn’Autes’, établissement spécialisé de type 2, ont décidé de créer l’asbl Dynam’Autes. D’abord gérée de manière bénévole, l’asbl est, depuis peu, subsidiée par le service Phare et Cap 48. Elle est à présent reconnue  comme service d’accompagnement, de loisirs et de répit pour les jeunes autistes. Pour nous en parler, Samuel et Armonie, éducateurs spécialisés de formation et engagés professionnellement dans l’asbl, se livrent sans filtre et avec passion sur leur implication auprès de ces enfants hors du commun.

{Interview effectuée en 2020}

De l’urgence de pallier le manque d’activités extrascolaires pour les enfants autistes

En tant que service d’accompagnement, de répit et de loisirs, Dynam’Autes articule ses activités autour de cinq missions de base : accompagner les enfants dans l’acquisition de nouvelles compétences dans un objectif d’inclusion, améliorer l’accueil et la prise en charge de ces enfants en créant du lien par exemple, dispatcher l’information à propos de l’autisme via divers canaux de communication, organiser des périodes de loisirs inclusifs et, finalement, sensibiliser et démystifier le handicap par différents biais.

Quelles activités proposez-vous Au sein de l’asbl ?

Samuel : « Jusque fin 2019, l’asbl proposait uniquement des activités ponctuelles, telles que des journées d’échanges autour de la thématique, des activités destinées à récolter des fonds, un stage inclusif avec quatre enfants autistes dans un groupe d’une quarantaine de jeunes. Mais ces initiatives n’étaient pas systématiques et trop dispersées dans le temps et ne répondaient pas vraiment au besoin de prise en charge extrascolaire sollicité par de nombreux parents. 

Le fait d’avoir obtenu des subsides nous permet à présent de professionnaliser nos activités afin d’en proposer tout au long de la semaine aux enfants concernés.

Mais nous ne sommes que dans la phase préparatoire pour le moment… Et nous n’avons même pas encore de local ! Ce qui ne nous empêche pas d’organiser une formation (répartie sur 1 an) d’animateurs d’enfants autistes en milieu extrascolaire, ainsi que des journées de sensibilisation à l’autisme dans les écoles supérieures. »

POUVEZ-VOUS DÉCRIRE À QUOI RESSEMBLERA UNE SEMAINE TYPE CHEZ DYNAM’AUTES ?

Samuel : « Une fois qu’on sera prêt et qu’on aura un lieu pour accueillir les enfants, Dynam’Autes proposera différents type d’activités tout au long de la semaine. Hors vacances scolaires, les mardis et les vendredis seront consacrés à l’accompagnement; c’est à dire qu’on va rencontrer les familles, préparer les outils pour accompagner au mieux les enfants… Les mercredis après-midis, nous envisageons de nous rendre au sein des écoles pour proposer des activités. Les jeudis seront consacrés au répit; donc une prise en charge des jeunes (deux à la fois) toute la journée. Et enfin, les samedis, des loisirs variés seront proposés. 

Lors des vacances scolaires, plusieurs stages seront organisés. Par exemple, un séjour résidentiel de trois jours avec cinq enfants autistes (non inclusif), ou cinq jours non inclusifs d’activités et de loisirs dans nos locaux, ou encore, toute une semaine d’activités en inclusion dans nos locaux…

Quels sont vos projets à court ou moyen terme ?

Samuel : « Le but escompté est d’obtenir l’agrément pour devenir officiellement le 2e service d’accompagnement de l’autisme à Bruxelles (à côté du Susa Bruxelles).

En 2021, il faudra donc montrer que notre projet tient la route et qu’on est réellement en mesure d’appliquer les directives qui incombent à ce statut. Nous voulons également engager une troisième personne dans l’asbl pour renforcer notre petite équipe. » 

Patience et travail en équipe : les maîtres-mots de la prise en charge de l’autisme

Samuel et Armonie s’investissent, depuis leur sortie de l’école, dans l’accompagnement d’enfants autistes. Tous les deux ont fait des stages au SUSA et ont tout de suite, ou presque, ressenti l’intérêt de poursuivre dans cette voie. Le métier, qui est plutôt une vocation, est loin d’être facile et demande un effort de chaque jour. Patience et travail en équipe seraient les clés pour s’investir de la meilleure des manières.

Pourquoi Former des animateurs; Y a t-il un manque de ce côté-là ?

Samuel : « J’ai l’impression que ce n’est pas compliqué de trouver des personnes qui ont envie de travailler avec des jeunes en situation de handicap, mais c’est plus compliqué de trouver celles ou ceux qui ont le bon outil pour agir sur leur comportement ou leur apprentissage. C’est la raison pour laquelle on a décidé de former, avec des formateurs qualifiés, des animateurs qui feront des stages chez nous et qui, ensuite, pourront – ou non – rejoindre la team Dynam’Autes. » 

QUELs sont VOs PARCOURS PROFESSIONNELS ?

Armonie : « Nous avons tous les deux étudié à l’école Defré; un établissement qui forme des éducateurs spécialisés. Pendant nos études, on a fait des stages et du bénévolat au SUSA, service d’accompagnement de l’autisme. Ensuite, Samuel a été engagé en tant qu’éducateur à l’école spécialisée ‘Les Astrôn’Autes’, et moi, j’ai travaillé à l’IRSA (CJENS) avec des enfants et des jeunes déficients sensoriels en situation de grande dépendance (non scolarisés). Et finalement, depuis le début de cette année, on se consacre tous les deux à l’asbl Dynam’Autes. »

Quelles ont été vos motivations à travailler dans ce milieu ?

Samuel : « Le premier jour où j’ai été confronté à l’autisme, c’était au SUSA, où j’ai effectué un ‘jour test’. Je me souviens m’être dit ‘plus jamais je reviens ! ». Mais après  coup, j’ai pris conscience que ce travail peu commun pourrait être vraiment riche. Il y a de la réflexion, du travail d’observation, de l’apprentissage sur tout ce qui se passe… Il faut aussi beaucoup de patience et veiller à toujours travailler en équipe pour les cas d’urgence ou pour continuellement échanger nos impressions sur les comportements de tel ou tel enfant. Au fur et à mesure donc, c’est devenu une véritable vocation. »

Armonie : « Je me souviens également de ma première journée au SUSA. Je suis rentrée dans cette salle et j’ai vu des enfants complètement repliés sur eux-mêmes, dans leurs bulles, sans aucune perception du monde extérieur… Pour moi qui n’avais jamais été confrontée à ça, c’était vraiment mystérieux. J’ai alors ressenti l’envie de les comprendre et de rentrer dans leur univers.

Par après, je me suis aussi rendue compte qu’il y a tout un travail réflexif et créatif, qu’on doit toujours se remettre en question parce que si quelque chose marche un jour, ça ne sera pas forcément le cas le jour d’après… Cette patience de chaque instant peut être difficile à supporter pour certaines personnes et c’est pourquoi je suis persuadée qu’un tel travail ne tolère pas l’entre-deux ; soit la personne est passionnée, soit elle ne l’est pas du tout. »

« Le diagnostic précoce peut permettre d’éviter de nombreuses situations complexes »

En décembre dernier, le Gamp et Infoautisme annonçaient que, par leur impulsion, une proposition de résolution a été déposée au Parlement bruxellois par la députée régionale Céline Frémault. En substance, et si elle est acceptée, cette résolution permettra de renforcer le dépistage précoce de l’autisme.

J’imagine que vous soutenez les actions auprès du politique, notamment entamée par le Gamp ou Inforautisme ? (Ex : résolution pour renforcer le dépistage précoce de l’autisme)

Samuel : « Je soutiens à fond l’initiative parce qu’on sait bien qu’au plus tôt l’enfant est diagnostiqué, au plus la prise en charge peut être rapide et adaptée. Il est clair que les enfants pris en charge précocement apprennent beaucoup plus vite et ont davantage d’outils pour suivre une scolarité adaptée.

Je me souviens que quand l’école ‘Les Astrôn’Autes’ a ouvert ses portes, on a accueilli des enfants autistes de 10 ans qui n’avaient encore jamais été pris en charge dans un centre ou une école, et je peux vous dire que c’était la guerre… Parce que du jour au lendemain, ils doivent passer de l’isolement de leur chambre à un environnement cadré et organisé avec d’autres enfants. Dans ces cas-là, l’adaptation devient une véritable violence. 

Que faudrait-il encore améliorer, selon vous, dans la prise en charge des enfants autistes ?

Samuel : « Déja, sur les trois ans d’études pour être éducateurs spécialisés, il n’y a pas, ou très peu, de sensibilisation ou de formation à l’autisme. Un constat qui vient tout juste d’être confirmé par un professeur de l’école Defré où on va se rendre prochainement pour parler de la problématique aux étudiants.

Ensuite, il faut aussi parler du manque criant de places dans les écoles spécialisées. Pendant que l’enfant reste chez lui au lieu de fréquenter un centre adapté ou une école spécialisée, il peut perdre ses acquis et régresser dans son ‘autonomie’.

Dynam’Autes cherche justement, par ses activités et son accompagnement, à créer du lien en comblant les creux créés, notamment, par le manque de places dans les structures d’accueil. 

Et enfin, il est important d’évoquer la problématique des transports scolaires. Certains enfants passent parfois deux heures dans des bus pour rentrer chez eux, parce qu’aucune école spécialisée est à proximité de leur domicile… Ce qui engendre parfois des comportements agressifs chez certains enfants. C’est pourquoi nous avons proposé, tous les mercredis après-midi, de nous déplacer dans les écoles pour les activités extra-scolaires. Cela ne va pas régler le problème bien sûr, mais je pense que l’initiative permettra de répondre à un réel besoin, car cela diminuera un peu la contrainte des transports, ça donnera aux parents la possibilité de souffler un peu plus longtemps, aux enfants de rester dans un milieu connu et familier… Parce qu’en général, aucune garderie n’est prévue pour ces enfants-là. 

 

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10 ans pour la Casa Clara : toujours plus de répit pour les proches d’enfants malades ou à besoins spécifiques

Cette année, la Casa Clara a fêté ses 10 ans d’existence. Pour l’occasion, l’asbl offrant du répit aux proches d’enfants gravement malades ou en situation de handicap a organisé une petite fête dans ses locaux. Ce fut l’occasion, pour Hospichild, de refaire un point avec Fanny Calcus, fondatrice et coordinatrice de l’initiative. 

La Maison de l’Aidance – Portes ouvertes Casa Clara – Photo : Sofia Douieb

 

« C’est parti d’un manque que j’ai ressenti quand notre fille Clara était gravement malade, confiait Fanny Calcus lors de l’interview des cinq ans de l’asbl. C’était du soin et de l’accompagnement 24h/24 et il devenait primordial de souffler un peu. J’ai donc cherché un endroit en dehors de l’hôpital où je puisse rencontrer d’autres parents, me sentir moins seule dans ce parcours du combattant et aussi un endroit où je pourrais me ressourcer. Mais un tel lieu n’existait pas… J’ai donc décidé de créer la Casa Clara, un endroit où l’on peut se retrouver entre parents pour boire un café et plus si affinité ; se faire masser si on a envie, se détendre dans la salle de relaxation… C’est donc une combinaison entre la rencontre et le bien-être. » Cinq ans plus tard, la Casa Clara se porte à merveille et parvient à offrir de plus en plus de répit aux proches qui en ressentent le besoin. Mais ce qui manque encore à l’appel et qui fragilise l’asbl, c’est un financement structurel, a notamment confié Fanny Calcus dans cette nouvelle interview, cinq ans après, pour les 10 ans de la Casa Clara. 

Comment se porte la Casa Clara après 10 ans d’existence ?

La Casa Clara se porte plutôt bien ! D’abord parce que nous touchons de plus en plus de familles (entre 35% et 40% de nouveaux bénéficiaires sur une année) et ensuite parce que la notion de répit est davantage valorisée et mise en avant par les professionnels du secteur pédiatrique. Il est désormais admis qu’autant l’enfant à besoins spécifiques ou atteint d’une pathologie lourde, que ses parents ou ses frères et sœurs aient tous besoin de ces moments de répit. Bien sûr, il y a encore un long chemin à faire, mais c’est plutôt rassurant d’avoir une marge de progression. Malgré ces constats positifs, une ombre plane encore au dessus de l’asbl : l’absence de financements structurels. Ce qui veut dire que nous devons chaque année refaire une demande de subsides sans être sûr que ce soit renouvelé. 

La notion de répit est davantage valorisée et mise en avant par les professionnels du secteur pédiatrique

Aux 10 ans de la Casa Clara – Photo : Sofia Douieb

Qu’est-ce qui a changé ou évolué depuis l’inauguration du local bruxellois il y a 5 ans ?

Depuis que la Casa Clara s’est installée à Bruxelles, son réseau s’est considérablement élargi. De plus en plus de professionnels nous recommandent auprès de ceux qu’ils accompagnent. La proximité des transports a grandement facilité l’accès et permet à plus de monde de bénéficier de nos massages ou autres moments de répit. Notre campagne de Grimbergen nous manque parfois, mais c’était le bon choix à faire. Notre offre s’est également diversifiée, surtout ces trois dernières années : bulles de répit individuelles, bulles de répit en binômes, séances d’accompagnement parents-enfants en situation de polyhandicap, événements familiaux, snoezelen, espace de relaxation aquatique…

Combien de parents et de fratries bénéficient des moments de répit chaque année ?

En moyenne, chaque année, on dénombre 35% de nouveaux bénéficiaires. Sur l’année 2022, il y a eu une belle augmentation avec 413 bénéficiaires, dont 65% de parents (avec 90% de mamans), 20% de fratries et 11% d’enfants en situation de handicap ou avec une pathologie. Ponctuellement, d’autres aidants proches peuvent également bénéficier de temps en temps de nos moments de répit. 

Les membres du personnel sont sûrement plus nombreux, qui sont-ils ? Sont-ils tous bénévoles ?

Mon rôle de coordinatrice à mi-temps a pu se concrétiser officiellement grâce à un soutien de la Cocof. Les accompagnant.e.s, très stables depuis 3-4 ans, sont des prestataires externes. Nous tenons beaucoup à ce que ce soit les mêmes personnes, massothérapeutes pour la plupart, qui travaillent à la Casa Clara afin de maintenir un certain lien de confiance avec les bénéficiaires. Car le répit sans la confiance, ça n’a pas vraiment de valeur. Il y a aussi deux bénévoles en support administratif et recherche de fonds, ainsi que d’autres bénévoles occasionnels selon les activités organisées.

Le répit sans la confiance, ça n’a pas vraiment de valeur

Quels sont les autres associations avec lesquelles vous collaborez régulièrement ?

Le réseau de la Casa Clara s’est tellement élargi que ce serait compliqué de citer toutes les associations ou professionnels qui adressent des familles chez nous. En revanche, la Casa Clara entretient des liens étroits et privilégiés avec les autres occupants de la Maison de l’Aidance : l’asbl Aidants Proches Bruxelles et Jeunes Aidants Proches, FratriHa, SAM le réseau des Aidants… Ensemble, nous organisons régulièrement des événements communs. D’autres collaborations se sont également concrétisées avec d’autres organismes qui nous demandent d’organiser des journées de répit à la Casa Clara pour leurs usagers. 

Espace de relaxation de la Casa Clara – Photo : Sofia Douieb

Quels retours recevez-vous de la part des bénéficiaires ? Quelques exemples de témoignages ?

Globalement, les retours sont toujours très touchants. Beaucoup témoignent du fait qu’ils ne se rendaient pas compte d’à quel point ces moments de répit pouvaient leur être bénéfiques. Parmi tout le positif exprimé, il y a souvent un regret pour les bénéficiaires de ne pas pouvoir venir plus souvent (un moment de répit par 3 mois au minimum) ou que le « concept » de la Casa Clara ne soit pas repris ailleurs pour pouvoir recevoir encore plus de monde. Mais déjà avec un seul endroit, l’organisation est compliquée et les subsides sont incertains donc ce serait compliqué de « faire des petits ». 

Beaucoup témoignent du fait qu’ils ne se rendaient pas compte d’à quel point ces moments de répit pouvaient leur être bénéfiques

Que peut-on souhaiter à la Casa Clara pour les 10 prochaines années ?

Notre vœu le plus cher est d’obtenir un financement structurel pour enfin dormir sur nos deux oreilles et moins s’inquiéter de l’avenir. Ce serait tellement beau également d’avoir les ressources suffisantes pour ne plus devoir limiter l’offre. En outre, il est primordial pour nous de consolider les projets et initiatives déjà mis en place ces dernières années, ainsi que de réussir à engager un mi-temps supplémentaire pour la gestion et la coordination. 

 

Propos recueillis par Sofia Douieb

 

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