Focus

Panorama et enjeux de l’art en milieu de soin pédiatrique

« Neuf essentiels sur l’art, le soin et les milieux de soins », c’est le titre du nouvel ouvrage collectif publié par Culture & Démocratie, plateforme de réflexion, d’observation, d’échange et de sensibilisation à ce qui lie la culture et la démocratie. Présenté le vendredi 1er mars au Pianocktail à Bruxelles, ce dernier dresse un panorama critique du paysage de l’art en milieu de soin (adulte et pédiatrique) en Belgique et soulève questionnements et attentes quant à ce «nouveau métier». Focus, dans cet article, sur les milieux de soin pédiatriques.

« Qu’est ce qui fait bel et bien soin ? » ; « L’art en milieu de soin peut-il être considéré comme de l’art-thérapie ? » ; « Qu’en est-il de la légitimité des artistes en milieu de soin ? » ; « L’implication des artistes avec les soignants est-elle effective ? » … Ce sont là quelques questions auxquelles les membres du groupe de travail Art et Santé de l’asbl Culture & Démocratie ont récemment tenté de répondre. D’abord au sein du Journal Culture & Démocratie n°47 en mai 2018 et ensuite de façon plus approfondie au fil des pages de leur nouvel ouvrage. Un « livre outil » qui s’emploie notamment à retracer l’histoire du groupe Art et Santé et à aborder des aspects philosophiques du métier, des perspectives et des pistes bibliographiques pour aller plus loin sur le sujet.

Art et Santé, du terrain à la réflexion

Le réseau ou groupe de travail Art et Santé existe, sous sa forme actuelle, depuis 2005. Il s’agit d’un « organisme vivant fait d’organes – les associations –, composés eux-mêmes de cellules – les travailleurs de ces associations –, elles-mêmes en interaction avec des tissus ou des corps externes à l’organisme – le tissu associatif ou le corps médical. »

Parmi les organes de l’organisme : Les Docteurs Zinzins, Le Pont des Arts, Les Clowns à l’hôpital, Anne Pardou… (pour ne reprendre que ceux qui s’adressent aux enfants hospitalisés). Ces derniers réfléchissent depuis 15 ans à leur légitimité, à leur place dans la société, au sens de leur métier, à ce qu’ils peuvent apporter aux patients… L’année dernière, ils ont décidé de rendre leur réflexion publique et d’ouvrir ainsi le débat sur le sujet.

« L’art en milieu de soin n’est pas de l’art-thérapie »

Notion importante abordée : la nuance (ô combien polémique) entre l’art en milieu de soin et l’art-thérapie. Si, pour les politiques, la pratique est financée sous l’enveloppe budgétaire « utilisation de l’art et la culture comme approches thérapeutiques », les artistes intervenants en milieux soin refusent de porter la casquette de thérapeute.

« Si les artistes et les art-thérapeutes ont en commun le souci de la relation à la personne bénéficiaire et le médium artistique, leurs objectifs divergent cependant. La proposition de l’artiste n’a pas de finalité thérapeutique. Elle est utilisée comme un moyen d’entrer en communication avec la personne souffrante pour lui proposer un espace de liberté. » (p.23 de l’ouvrage)

Lors d’une précédente rencontre organisée par l’asbl, Jean-Michel Longneaux (philosophe, professeur à l’UCL, conseiller en éthique, rédacteur en chef de la revue Ethica clinica) est allé encore plus loin sur la question : « Ce qui est espéré, c’est qu’en se remettant en mouvement dans une pratique artistique, le patient se remette en mouvement dans sa vie en général. Il ne faut pas parler d’«art-thérapie » car l’intérêt d’une pratique artistique organisée en milieu de soin est justement de faire exister la personne comme quelqu’un d’autre qu’un malade. (…) Et ce miracle que peut produire l’art de remettre la personne en mouvement par rapport à sa maladie et plus généralement par rapport à sa vie, ça ne peut fonctionner que si cette pratique n’a pas d’objectif thérapeutique. »

De la légitimité d’être artiste en milieu de soin

Cela fait environ 20 ans que les artistes (du groupe Art et Santé, mais aussi d’autres asbl comme Hopi’Conte, CliniClown, HôpiClown…) ont commencé à interagir avec les patients au sein des hôpitaux. À l’époque, ces derniers étaient extrêmement frileux à l’idée de donner de la place à ce genre de pratiques nouvelles. Aujourd’hui, les artistes sont bien mieux considérés et leur rôle positif sur la santé des patients n’est (presque) plus à prouver.

« Si aujourd’hui un clown est plus facilement accepté au sein d’une unité médicale, c’est non seulement parce que de nombreuses études prouvent scientifiquement les bienfaits de la présence du clown sur les patients et les soignants, mais surtout parce que les soignants eux-mêmes ont entrevu ce que l’art ouvre et crée comme espace de liberté et comment cela s’avère complémentaire avec leur pratique », lit-on à la 27e page de l’ouvrage.

À l’Huderf par exemple, les Docteurs Zinzins entrent dans les chambres, alors que les bénévoles sont cantonnés aux espaces publics de l’hôpital. Une vraie distinction est donc faite entre les deux pratiques.

Anne Pardou, néonatologiste à la retraite, s’est, quant à elle, fait accepter au sein de 11 services de néonatologie en Belgique en les persuadant des bienfaits de la voix parlée et chantée sur les prématurés. Et elle a été encore plus loin, car elle a convaincu les soignants de participer et de chanter à leur tour ; toujours en étant accompagnés d’artistes professionnels.

Revendications du secteur

Même si la pratique est à présent bien établie et généralement bien considérée, il reste, selon les membres du groupe Art et Santé, certaines actions à mener :

  • Sensibiliser davantage le monde des soignants et particulièrement celui des responsables des milieux de soins afin qu’ils puissent mieux appréhender ce que favoriserait l’art dans leurs services, mais aussi qu’ils puissent mieux encadrer et coordonner les interventions artistiques.
  • Un grand chantier d’évaluation qualitative des bienfaits neurologiques et scientifiques de l’art en milieu de soins devrait être mené.
  • Un meilleur financement et une meilleure reconnaissance du métier par les pouvoirs publics devrait être accordé.

 

Pour les auteurs du livre, l’art en milieux de soins est encore trop souvent considéré comme une activité tâtonnante, peu rentable et proposant une notion de soin plus proche d’un pseudo bien-être que d’un soin efficace et technique.

Pourtant, les initiatives de ce type se multiplient ici et ailleurs (dernières en date en France : le beatbox, qui permettrait aux personnes handicapées de mieux s’exprimer, et la visite d’un cheval – le docteur Peyo – au chevet des personnes hospitalisées). Des initiatives qui apportent avec elles les bienfaits de ces arts, qui, on l’aura compris, ne font pas (toujours) office de thérapie.

Lire « Neuf essentiels sur l’art, le soins et les milieux de soins » (en PDF)

Casa Clara : du répit pour les proches d’enfants malades ou handicapés

Le 26 septembre dernier, la Casa Clara, maison de répit proposant des moments de détente et de ressourcement aux proches d’enfants gravement malades ou en situation de handicap, inaugurait officiellement ses nouveaux locaux. En présence de Céline Frémault, ministre des familles, de l’aide aux personnes et des personnes handicapées et de Julie de Groote, présidente du Parlement francophone bruxellois, l’association a pu présenter ses missions et les diverses activités qu’elle propose tout au long de l’année.

 

La Casa Clara, qui était installée depuis 5 ans à Grimbergen, est à présent implantée dans le Nord de Bruxelles ; à Laeken. Les locaux de l’asbl côtoient ceux de deux associations dont la vocation est plus ou moins similaire, voire complémentaire : « Jeunes & Aidants Proches – Young Carers » et « Aidants Proches Bruxelles » (abrité dans une maison voisine). À trois, ils forment désormais la Maison de l’Aidance.

Au troisième étage de cette grande bâtisse, la maîtresse des lieux et fondatrice de l’asbl, Fanny Calcus, accueille chaleureusement ses visiteurs. L’appartement est tout à fait cosy et décoré avec goût. Il se compose comme suit : un espace commun avec une cuisine et une salle de bain, un coin lecture, un sauna, un espace détente, une pièce dédiée aux massages et un très grand salon. Un espace de rencontre est également aménagé au rez-de-chaussée afin d’accueillir les enfants à mobilité réduite.

C’est donc au 3e, près d’une grande fenêtre donnant sur une verdure foisonnante, que Fanny Calcus se confie.

 

Vous êtes la fondatrice de l’asbl Casa Clara, pouvez-vous nous dire ce qui vous a poussé à offrir un tel service à la population ?

C’est parti d’un manque que j’ai ressenti quand notre fille Clara était gravement malade. C’était du soin et de l’accompagnement 24h/24 et il devenait primordial de souffler un peu. J’ai donc cherché un endroit en dehors de l’hôpital où je puisse rencontrer d’autres parents, me sentir moins seule dans ce parcours du combattant et aussi un endroit où je pourrais me ressourcer. Mais un tel lieu n’existait pas… (et n’existe toujours pas en dehors de la Casa Clara).

À ce moment-là, j’ai quand même eu la chance d’être bien accompagnée et guidée vers une massothérapeute qui m’a prodigué beaucoup de soins. Et je me suis rendu compte à quel point c’était important de prendre du temps pour soi afin de reprendre des forces. Non seulement pour retourner au chevet de Clara, mais aussi pour m’occuper de mon autre enfant et pour maintenir mon couple.

J’ai donc décidé de créer la Casa Clara, un endroit où l’on peut se retrouver entre parents pour boire un café et plus si affinité ; se faire masser si on a envie, se détendre dans la salle de relaxation… C’est donc une combinaison entre la rencontre et le bien-être.

Quelles sont les missions de la Casa Clara et pour qui vos activités sont-elles destinées ? 

On s’est fixé deux missions principales. D’une part, offrir du répit, du soutien et du ressourcement aux aidants proches d’enfants gravement malades ou en situation de handicap. On entend par là l’organisation de journées détente pour les parents et les frères et sœurs ou de journées familles où la famille vient au grand complet. Et d’autre part, sensibiliser le grand public et les professionnels pour anticiper l’épuisement familial.

L’idée est donc de faire de la prévention afin d’intervenir plus tôt auprès de familles qui sont parfois désemparées.

Ce deuxième volet, auquel on rêve de s’attaquer pleinement, implique qu’on aille plus souvent à la rencontre de médecins de familles (les mieux placés pour communiquer avec les aidants) pour qu’ils soient de véritables relais et qu’ils communiquent sur des endroits comme le nôtre. Nous avons déjà des relais au sein des hôpitaux, des services d’accompagnement… mais je pense qu’il y a encore beaucoup à faire pour faire comprendre aux proches qu’ils ont le droit de reposer et de souffler.

Pouvez-vous expliquer brièvement le déroulé d’une journée de répit pour les parents ? Que faites-vous exactement ?

Ça commence vers 9h30 / 10h. Dans le cadre des journées parents, nous n’accueillons que 6 adultes à la fois. Pour l’instant, ce sont majoritairement des mamans, mais nous serions ravis de nous occuper aussi de papas. On s’installe à la table de la cuisine avec un café et on fait un peu connaissance. Certains parents se racontent, d’autres pas. Certains se connaissent, d’autres pas. En général, ils essaient de revenir ensemble pour continuer à partager et se sentir plus en confiance. C’est gai pour moi de me dire que j’ai créé une sorte de réseau de parents.

Après, on leur propose une séance de relaxation, de massage, de réflexologie… Je suis moi-même massothérapeute et je fais partie d’une petite équipe de cinq personnes qualifiées dans différentes disciplines de bien-être ; ou plutôt de mieux-être, car c’est difficile de parler de bien-être dans ces situations difficiles. On propose donc différentes activités personnalisées sans rien imposer. On a aussi un sauna, un coin bibliothèque…

Les gens peuvent vraiment souffler

À midi on mange ensemble et l’après-midi se poursuit selon les envies des participants. Régulièrement des ateliers spécifiques sont proposés comme du yoga, de la musicothérapie ou, projet futur, des ateliers cuisine.

Pourquoi avoir changé de lieu ?

L’objectif en changeant de lieu était de se rapprocher des parents et de nos partenaires relais qui sont quasiment tous basés à Bruxelles. On a ainsi gagné en accessibilité. C’était très important pour augmenter la fréquence de nos journées (désormais 1x/ semaine) et pour organiser des permanences. Ces dernières visent principalement les parents qui ne sont pas prêts à s’accorder une journée entière. Ils peuvent alors venir juste un petit moment pour discuter, boire un café et apprivoiser les lieux.

Collaborez-vous parfois avec vos voisins de palier « Jeunes & Aidants Proches » ? De quelle manière ?

Pour l’instant, le lien n’est pas encore établi. Mais comme on a en commun les fratries d’enfants gravement malades ou en situation de handicap, la collaboration avec Jeunes Aidants-Proches est bien-sûr un de nos objectifs. L’idée est de travailler avec eux et de se relayer à ce niveau-là selon les activités qu’ils ont prévu de mettre en place. Ils pourraient également intervenir dans nos ateliers lors des journées fratries que nous organisons. Je ne sais pas ce qu’ils ont envie de faire, mais je pense qu’ils ont plein d’idées et ça c’est vraiment gai.

La notion de Maison de l’Aidance, c’était de se dire qu’à Bruxelles, il y a enfin un endroit où tous les aidants proches peuvent se retrouver.

Contact

L’asbl est accessible à tous les parents ou proches (francophones ET néerlandophones) d’enfants atteints d’une pathologie lourde ou handicapés. Elle est située à :
Boulevard de Smet de Naeyer, 578
1020 Bruxelles

→ Contacter Fanny Calcus :
0473/ 20 56 32
info@casaclara.be
https://casaclara.be/fr/accueil/