Focus

FratriHa ou comment répartir la lumière équitablement sur les enfants handicapés et leur fratrie

Fratriha, association de sensibilisation, de soutien et d’information à destination des fratries de personnes handicapées, vit actuellement un renouveau. Anciennement liée à l’asbl Inclusion, elle a décidé de prendre son indépendance et s’est tout récemment constituée en asbl. Sa présidente et fondatrice, Eleonore Cotman, dont la sœur est porteuse d’un handicap, a accepté de nous parler, d’une part, de l’association et, d’autre part, du ressenti, des attentes ou encore de la condition des fratries. Ceci impliquant leurs relations, parfois teintées d’incompréhensions, avec leur famille, les professionnels et la société.

Ce nouveau départ, après 6 ans au sein d’Inclusion, est synonyme de beaucoup de changements chez Fratriha. D’abord, le personnel va s’étoffer et ensuite, les collaborations, les initiatives et autres projets vont se multiplier. D’ailleurs, dès la rentrée, un nouveau projet pour les fratries de 6 à 10 ans va voir le jour : « Le Baluchon ».

PORTRAIT – Eléonore Cotman, présidente de l’asbl Fratriha et sœur d’une personne avec handicap

  • FratriHa est une activité secondaire puisque vous y êtes bénévole, qu’est-ce qui vous pousse à donner de votre temps au projet ?

    C’est vrai que je travaille à temps plein à côté de mon activité à l’asbl et que gérer les deux est assez compliqué. Mais j’aime m’y investir, car c’est un projet que j’ai initié et qui me tient fort à cœur. C’est aussi très valorisant de se dire qu’on peut apporter quelque chose aux familles, ou même aux professionnels qu’on sensibilise.

  • Pourquoi ne pas alors vous y consacrer à 100% ?

    J’y ai pensé bien sûr, mais je suis déjà confrontée au handicap dans ma vie personnelle, alors y travailler tout le temps ne serait pas tenable émotionnellement parlant. J’ai aussi peur de perdre le plaisir que j’ai actuellement à faire cela en seconde activité.

  • Aider les autres vous permet-il d’affronter plus sereinement votre réalité ?

    Récemment, mon papa m’a dit que d’avoir créé ce projet m’avait en quelque sorte « sauvée ». Je crois en effet que ça m’a fait beaucoup de bien pour plusieurs raisons. Avant tout parce que ça m’a permis de dire des choses sur lesquelles je n’avais jamais pu mettre de mots ; car c’est assez dur d’en parler, surtout avec sa propre famille. D’où l’idée de créer des groupes de paroles pour que chacun puisse exprimer ce qu’il a sur le cœur et le partager avec d’autres fratries dans la même situation.

  1. Parlez-nous du projet FratriHa ; quand et comment est-il né ?

Il y a 6 ans de cela, Elise Petit et moi-même avons eu l’idée de créer Fratriha en réponse à un constat alarmant : rien n’existait pour les frères et sœurs de personnes avec un handicap. Nous sommes toutes deux concernées et il nous paraissait donc logique de lancer un projet de ce type. Et il a très vite fonctionné ; la preuve qu’il y avait une réelle demande.

2. En quoi consiste-t-il ?

Ce projet s’articule en trois pôles :

  • L’information
    On fournit de l’information autour des fratries de personnes en situation de handicap. Cela passe par des conférences, qu’on essaie d’organiser deux fois par an sur des thèmes variés (« Le regard des autres sur le handicap », «L’après-parents »…), des participations à des colloques, des formations et, bien sûr, il est possible de s’informer directement sur notre site web.
  • La sensibilisation
    Le but est de parvenir à sensibiliser les professionnels, les parents et la société à la thématique de la fratrie.

« Car les frères et sœurs sont souvent les enfants de l’ombre alors que l’enfant avec un handicap est plutôt dans la lumière. Notre objectif est de répartir la lumière sur tous les enfants d’une même famille. »

Concrètement, nous nous déplaçons (soit Elise et moi, soit d’autres frères et sœurs actifs au sein de l’association) pour raconter notre vécu via ce qu’on appelle des « témoignages ». Nous abordons quatre thématiques rencontrées par la plupart des fratries (le regard extérieur, la culpabilité, les responsabilités et les aspects positifs) afin de donner une idée plus précise de ce que nous vivons. À travers ce rôle de sensibilisation, nous avons donc aussi la casquette de porte-parole, notamment quand il s’agit de s’adresser aux politiques.

  • Le soutien aux fratries
    Des activités « ordinaires entre fratries extraordinaires » sont régulièrement organisées. Nous nous sommes par exemple rendus à Pairi Daiza, à la mer du Nord… Il y a aussi des groupes de paroles entre frères et sœurs soit très jeunes, soit adolescents, soit adultes. Une psychologue est également disponible pour les familles lors de ces rencontres.

3. Comment se compose l’équipe de Fratriha ?

Photo : Fratriha

Depuis la création de Fratriha, nous dépendions de l’asbl Inclusion. Mais depuis le 1er juillet, nous avons pris notre indépendance et sommes à présent constitué en asbl. Ce changement important impliquera forcément un élargissement de l’équipe. Je suis la présidente de l’asbl et Elise est la vice-présidente. Un chargé de projet va bientôt être engagé à mi-temps et nous faisons régulièrement appel à une psychologue indépendante, ainsi qu’à une graphiste pour des prestations occasionnelles.

4. Qu’est-ce qu’on ressent quand on est frère/sœur d’une personne handicapée ?

D’abord, le ressenti d’un frère ou d’une sœur est différent selon la place qu’il/elle a dans la fratrie. Par exemple, Elise a deux grands frères, l’un avec un handicap et l’autre pas, et un petit frère aussi avec handicap ; elle dit que sa relation avec le plus grand a toujours été plus conflictuelle (car elle l’a un jour dépassé en autonomie) qu’avec le plus petit, avec qui elle a un rôle beaucoup plus maternel.

« Ensuite, la plupart essaie de ne pas faire trop de vagues, de ne pas causer plus de soucis à leurs parents ; ils les aide et tentent d’être utile et responsable en prenant beaucoup sur leurs épaules. Ce qui génère forcément de la pression. »

Et puis enfin, il est clair que les frères/sœurs ont tendance à minimiser leur souffrance puisqu’ils estiment qu’elle est moins légitime que celle de leur frère/sœur avec un handicap. Ils se mettent volontairement dans l’ombre et incitent presque leurs proches à faire de même avec eux.

5. Comment se concrétise l’aide aux fratries de personnes déficientes intellectuelles ?

Comme je l’ai dit, on soutient les fratries de diverses manières ; on leur propose de participer à des activités ludiques, on organise des groupes de parole et on relaie les fratries vers le réseau en cas demandes particulières.

Photo : Fratriha

Le Baluchon

Il y a également un nouveau projet qui va être lancé à la rentrée scolaire, qui s’appelle « Le Baluchon » et qui s’adresse aux très jeunes fratries (6-10 ans). Le principe ? Un petit sac en coton avec plein de chouette choses à l’intérieur : trois livres qui parlent du handicap, dont un plus personnalisé selon le type de handicap du frère ou de la sœur de l’enfant, un coloriage géant avec plein de petites scénettes évoquant des situations généralement vécues par les fratries, et enfin, un petit livret explicatif destiné aux parents. Le but de ces outils est surtout de débloquer la parole et d’éveiller les émotions chez ces enfants qui ont souvent bien du mal à trouver leur place.

 

6. De quoi les fratries ont-elles le plus besoin au moment où elles viennent vous voir ?

Photo : Fratriha

Justement, de parler et de partager leur vécu avec d’autres. Pour les jeunes fratries, ce sont les parents qui nous contactent, surtout pour savoir comment et quand aborder le handicap en famille. Les adolescents, eux, se posent plus la question de leurs responsabilités éventuelles, de comment ils devront faire quand leurs parents ne seront plus là pour s’occuper du frère ou de la sœur avec handicap. Ils se préoccupent aussi beaucoup du regard des autres sur le handicap de leur proche ; notamment sur les réseaux sociaux. Et enfin, les fratries adultes se demandent plutôt comment vivre leur vie de couple ou de famille en intégrant leur frère/sœur, comment s’organiser une fois que les parents sont plus là, et aussi, la place qu’ils ont en tant que fratrie au sein des institutions.

7. En parlant d’institutions, les professionnels s’intéressent-ils suffisamment aux fratries ?

C’est en progression, mais ce n’est pas encore assez généralisé. Les fratries sont souvent mises au second plan et ne reçoivent pas souvent d’explications de la part des médecins ou du personnel soignant. Pour ma part, je me souviens que les passages obligés dans les hôpitaux ont été extrêmement marquants et traumatisants. On est là, on voit tout, on entend tout et personne ne prend la peine de nous rassurer à part nos parents, qui eux-mêmes sont submergés par les émotions. Dans les institutions plus spécialisées, c’est pareil ; si ces dernières organisent quelque chose (une journée pour les familles par exemple) les parents sont toujours prévenus, mais jamais les fratries.

« Il faut que les professionnels prennent davantage conscience de l’importance de les prendre en compte. D’où l’importance de me déplacer pour tenter de les sensibiliser. »

8. Dans certains hôpitaux, des espaces sont justement consacrées aux fratries ; je pense au groupe Fratrie de l’Huderf ou aux ateliers Arcadie aux Cliniques universitaires Saint-Luc.

Oui, et heureusement qu’il existe ce genre d’initiatives, mais cela reste encore anecdotique et ponctuel. Ces dernières doivent certainement se multiplier, car l’hôpital est un moment charnière dans la vie d’un frère ou d’une sœur ; c’est très dur psychologiquement et parfois traumatisant. Avoir un espace de parole à ce moment-là est donc très important et permet aussi d’accrocher les fratries pour qu’elles continuent à se livrer et à fréquenter des endroits comme celui que nous proposons.

9. Les parents, quant à eux, prennent-ils tout de suite conscience que leurs autres enfants ont eux aussi besoin d’être soutenus ?

Cela dépend très fort. Parfois, les fratries ne montrent pas forcément de signes de mal-être ou de souffrance, donc les parents ne se doutent pas du malaise qu’il peut y avoir. C’est pour cela que, par le biais de notre volet « sensibilisation aux parents », nous tentons de donner des clés pour déceler plus facilement ces signes.

« Ce qui est sûr, c’est que les parents qui viennent chez nous sont souvent très démunis et ne savent pas comment aborder le handicap avec la fratrie. »

10. Y-a-t ’il un réel manque de conscientisation de la thématique du handicap et des fratries au sein de la société ?

Clairement oui. Concernant la thématique du handicap en général, les gens disent souvent « les handicapés » au lieu de dire « les personnes handicapées » ; comme si elles n’étaient pas des personnes et qu’elles se définissaient uniquement pas leur handicap.

« Et ces insultes très courantes du style « espèce d’handic » ou « sale triso », ça me met hors de moi parce que ça stigmatise énormément. Ça implique que certaines fratries n’osent pas avouer le handicap de leur frère/sœur. »

Mais ça va quand même mieux qu’avant ; depuis qu’il y a des émissions comme Cap48 par exemple, on sent que les regards changent un peu. Fratriha tente également de sensibiliser le grand public en participant notamment aux 20km de Bruxelles ou, projet futur, en organisant une exposition de photos.

11. Êtes-vous en collaboration avec d’autres associations ?

Oui bien sûr, c’est très important de collaborer. Par exemple, avec Jeunes Aidants Proches avec qui on a plusieurs projets en commun ; on les invite à nos formations et eux à leurs colloques. On collabore aussi avec la Casa Clara ou la Villa Indigo, qui sont des maisons de répit. Toutes les associations liées à Inclusion, comme Madrass, la Fondation Portray… font évidemment partie de notre réseau proche. On se fait souvent inviter aussi dans des écoles ou des centres de jour (ex : Horizon 9, Notre Village, Le Centre Roi Baudouin…)

12. Qu’est-ce qui est prévu pour la suite ? Des événements en préparation ?

À très court terme il y a donc la prise de notre indépendance et la constitution de Fratriha en asbl, il faut engager le/la chargé.e de projet à Bruxelles et enfin nous lancerons le projet « Baluchon » dans très peu de temps.
Á long terme, ce serait pas mal d’engager un.e chargé.e de projet pour la Wallonie et un.e psychologue à plein temps. On aimerait aussi organiser des stages pour les jeunes fratries, créer des événements de sensibilisation pour le grand public comme l’expo photos déjà évoquée…

 

→ Pour contacter Fratriha : fratriha@fratriha.com – 0472/66.00.36

Les intelligences multiples en soutien aux enfants en difficultés d’apprentissage

Pour aider les enfants « chiffonnés » à reprendre confiance en eux, en l’école et en l’apprentissage, Perrine Bigot, orthopédagogue, se sert d’un outil inventé en Belgique en 2013 : les Octofun. Ces huit boules d’énergie, symbolisant les huit intelligences présentes en chacun de nous, permettent aux élèves en difficultés d’apprentissage de (re)trouver le goût et le plaisir de s’instruire. Focus sur cette méthode, qui n’en n’est pas une, au travers du compte-rendu de la conférence organisée par l’asbl Badje le 13 juin 2019.

     

Lors de cette conférence « autour des intelligences multiples », Perrine Bigot, orthopédagogue et coordinatrice de l’asbl Métamô, a su immédiatement accrocher son auditoire avec humour et intelligence. Car un public attentif, qui « active son cerveau », retiendra mieux et davantage ce qui se dit au sein d’une conférence comme celle-ci. Un public qui a été tenu en alerte tout le long grâce à des petites activités, des exercices mentaux et physiques. Tout cela pour nous pousser à utiliser nos intelligences multiples, ainsi qu’à se mettre symboliquement dans la peau d’enfants en difficultés d’apprentissage.

Octofun, quesaco ?

« Avant de dire ce que c’est, il faut déjà préciser que ce n’est pas une méthode, car on ne suit pas un procédé précis avec des étapes. On se base sur différents outils pour penser la relation avec l’autre. », explique P. Bigot en entrant dans le vif du sujet.

Inventés en 2013 par Françoise Roemers-Poumay, institutrice primaire pendant 25 ans et actuellement conseillère pédagogique et formatrice, les Octofun sont « huit boules d’énergie pour le plaisir d’apprendre ». Cet outil proposé sous différentes formes aux enseignants et aux parents confrontés à des enfants en difficultés d’apprentissage, se base sur trois ingrédients indissociables : les intelligences multiples, les bons gestes mentaux et la psychologie positive. 

Stimuler ses intelligences multiples

Si les huit Octofun sont issus de l’imagination de leur créatrice, la théorie sur laquelle elle se base est reprise du psychologue américain Howard Gardner. Ce dernier est parti du principe que la notion d’intelligence entendue par tous est trop pauvre et qu’elle ne devrait pas s’associer uniquement au fait d’être bon à l’école ou d’avoir de bons résultats.

Pour lui, l’intelligence est multiple et peut se décliner en huit branches distinctes. Chacun possède toutes ces intelligences en lui-même, mais n’en développe réellement qu’une ou l’autre selon son éducation, ses expériences, ses envies, sa culture ou encore par la force des choses. Mais il est possible, tout au long de sa vie, de stimuler (ou « arroser ») ses autres intelligences pour apprendre et retenir beaucoup plus efficacement. Elles peuvent également s’utiliser conjointement et se nourrir les unes des autres.

Huit fleurs à arroser

Voici la description des huit intelligences, ou « fleurs à arroser », et les Octofun correspondant :

  1. BODYFUN – Intelligence kinesthésique : capacité à utiliser son corps de façon précise et élaborée tout en adaptant ses mouvements à la situation.
  2. MELOFUN – Intelligence musicale et rythmique : capacité à être sensible aux sons, à la prosodie (musicalité de la langue) ou à la musique. Aptitude également à régler le volume de sa voix selon les circonstances.
  3. FUNEGO – Intelligence intrapersonnelle : capacité à être fier de soi, bonne connaissance de soi-même, motivation…
  4. MULTIFUN – Intelligence interpersonnelle : capacité à agir avec les autres de façon adaptée, tolérance, empathie, entraide…
  5. 3DFUN – Intelligence vidéospaciale : capacité à se repérer dans l’espace, sens de l’orientation, sens de l’esthétisme, des couleurs et des formes…
  6. ALPHAFUN – Intelligence verbo-linguistique : sensibilité aux mots et au langage. Facilité pour la lecture, l’écriture et le parlé.
  7. MATHIFUN – Intelligence logicomathématique : capacité à tenir un raisonnement logique, à calculer, à respecter des horaires…
  8. VITAFUN- Intelligence naturaliste : sensibilité à la nature et aux êtres vivants, conscience écologique, sens de l’observation…

« Il faut élargir le champ pédagogique et essayer d’utiliser ces intelligences pour ouvrir plusieurs portes et s’adapter à l’enfant. En diversifiant les approches d’apprentissage, on peut stimuler l’un ou l’autre octofun prédominant chez l’élève et lui donner la possibilité de retenir autrement que par la manière traditionnelle. », précise l’orthopédagogue.

Gérer son cerveau pour mieux l’utiliser

Le deuxième ingrédient des Octofun, c’est la gestion mentale (une théorie avancée par Antoine de La Garanderie, un pédagogue français). L’idée est d’apprendre à gérer son cerveau pour mieux l’utiliser; d’enseigner aux élèves les processus cognitifs pour acquérir le savoir et les rendre acteurs de leur apprentissage.

Un exercice simple proposé par Perinne Bigot, c’est d’écrire un mot sur une feuille, le faire retenir par l’enfant et l’envoyer de l’autre côté de la pièce pour le réécrire. Ainsi, il sera obligé de faire fonctionner son cerveau et, plus particulièrement, son néocortex. Pour que l’enfant y parvienne, il faut d’abord que ses besoins primaires (niveau reptilien) soient comblés et que ses émotions (niveau limbique) ne le submergent pas. D’où l’importance de lui permettre de s’exprimer et de trouver des techniques pour s’apaiser (par la respiration par exemple).

« On est tous des éteigneurs de flammes »

Enfin, la dernière part du « gâteau Octofun » est la psychologie positive. En expliquant d’entrée de jeu à l’enfant qu’il a huit intelligences en lui et que toutes peuvent être stimulées et améliorées, il aura directement un peu plus confiance en lui. Il faut faire en sorte qu’il soit fier de lui et qu’il regagne en estime de soi. Car, comme disait Frederick Douglass, « Il est plus facile de créer des enfants solides que de réparer des adultes brisés ».

Perrine Bigot s’empare d’un briquet, l’allume et dit : « Regarde, j’ai fait un beau dessin… Oui, mais tu as dépassé ! » Elle souffle sur la flamme qui s’éteint aussitôt. En entendant ces mots, qui peuvent parfois être bien plus violents, l’enfant se « chiffonne » petit à petit et, même en le revalorisant; en le déchiffonnant, il en gardera toujours des séquelles.

« On est tous des éteigneurs de flammes ! », conclut-elle.

 

The Belgian Kids’ Fund, maillon indispensable de la recherche pédiatrique en Belgique

Le 9 mai dernier, Hospichild est parti à la rencontre de Laurence Bosteels et Vanessa Fauvarque ; les deux coordinatrices de l’asbl The Belgian Kids’ Fund for Pediatric Research (BKF). Créée il y a presque 25 ans, cette association est le Fonds Scientifique de l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola (HUDERF). En plus d’accorder des bourses aux chercheurs en pédiatrie, elle s’emploie à sensibiliser le grand public à l’importance de la recherche pédiatrique pour soigner et parfois même guérir les enfants gravement malades.

Pour y voir plus clair dans la fonction de l’association et pour mieux comprendre, d’une part la problématique du sous-financement de la recherche pédiatrique, et, d’autre part, la complexité de trouver des traitements appropriés pour les enfants, Laurence et Vanessa nous disent absolument tout sur ce fonds belge entièrement consacré à la pédiatrie.

  • Quelles sont vos missions principales ?

BKF a trois grands buts :

*Participer à l’actualisation des connaissances médicales de tous les acteurs de la santé pédiatrique
*Lancer des actions de promotion auprès du grand public pour améliorer le bien-être physique et/ou mental des enfants
*Financer des bourses de recherche à des étudiants qui font un doctorat sur un sujet qui traite de la pédiatrie.

Ce dernier point est notre mission principale ; cela permet de soutenir concrètement la recherche pédiatrique. Chaque année, entre 10 et 15 bourses sont octroyées. Mais cette année fut exceptionnelle, car nous avons pu en accorder 21. En sachant que le montant de chaque bourse s’élève à 41.000 euros, vous imaginez combien de sous nous devons récolter… Et, comme on parle de chiffres, depuis le début de nos activités, 170 bourses ont déjà été accordées dont environs 50 ont finalement abouties à des thèses de doctorat.

  • Comment sélectionnez-vous les boursiers ?

Au début, les bourses n’étaient accordées qu’à des médecins pédiatres, mais dorénavant d’autres types d’universitaires (psychiatres, psychologues, généticiens, bioingénieurs…) peuvent également être sélectionnés ; pour autant qu’ils font une recherche académique en pédiatrie.

Plus de la moitié des bourses est octroyée aux boursiers de l’année précédente qui continuent leurs recherches (une bourse est renouvelable deux fois maximum). Les nouveaux boursiers introduisent une demande via un formulaire très complet. Ces demandes sont analysées par un comité de sélection composé de médecins pédiatres qui évaluent la qualité scientifique du projet, la valeur en médecine pédiatrique en général…

⇒ Quelles sont les étapes de sélection ?

Les dossiers sont envoyés à plusieurs pédiatres à Bruxelles, mais aussi à Paris. Chacun donne sa cotation sur les meilleurs projets et, selon leur qualité, selon notre budget… on choisit les meilleurs. Il faut savoir que les sujets de recherche ne sont absolument pas influencés et que chaque étudiant doit se sentir libre de traiter une problématique qui le passionne vraiment.

Ensuite, vers la fin du mois d’août, les étudiants sélectionnés reçoivent une réponse positive qui les invitent à commencer à travailler sur leurs projets dès le 1er octobre.

Après 6 mois, un rapport intermédiaire est demandé. Et après 1 an, les boursiers doivent refaire un rapport de l’année écoulée. BKF soutient généralement chaque recherche durant 3 ans au maximum (il faut quand même refaire une demande chaque année via formulaire).

⇒ Jusqu’à quand les demandes sont encore acceptées cette année ?

Pour cette année, les demandes sont attendues jusqu’au mardi 4 juin à 15h au plus tard.
Et pour ceux qui seraient arrivés trop tard, ils peuvent aussi tenter leur chance au FNRS (candidats francophones) ou à la Fondation Roi Baudouin, au Fonds Erasme… (appels à projets).

⇒ Pouvez-vous donner un exemple d’une recherche particulièrement majeure aboutie grâce aux fonds de BKF ?

Pierre Smeesters, par exemple, est une des figures majeures de l’HUDERF. Au départ, il était étudiant boursier et est maintenant un très grand pédiatre et chercheur connu mondialement. Il est sur le point d’aboutir à un tout nouveau vaccin.

  • En quoi la recherche est-elle fondamentale et « déterminante dans le fonctionnement d’un hôpital universitaire » tel que l’HUDERF ?

Le gage de qualité d’un hôpital universitaire, c’est justement le fait de faire de la recherche académique. C’est ce qui le distingue des autres et qui lui permet de mettre en valeur son niveau d’excellence.

  • Est-ce que les recherches soutenues profitent en premier lieu et en particulier à cet hôpital-là ?

Heureusement que non ! Bien sûr, les chercheurs mettent en avant le fait qu’ils ont réalisé leurs recherches au sein de l’HUDERF ; mais leurs avancées en matière de médecine pédiatrique profitent évidemment à toute la communauté mondiale.

  • La recherche pédiatrique est sous-financée, c’est un fait. Quelles sont les raisons principales de cette problématique ?

La cause, c’est que la médecine pédiatrique n’est pas ou peu rentable pour l’industrie pharmaceutique. Les cas de maladies rares sont beaucoup plus présents chez les enfants et souvent, ce ne sont que quelques-uns qui sont touchés. Même si on arrive à trouver la solution pour les soigner, l’industrie ne suivra pas dans le développement du médicament, car le marché sera trop restreint.

Le financement doit donc venir du côté académique, mais là aussi les universités ne reçoivent pas beaucoup d’argent de l’Etat et n’ont donc pas la possibilité d’investir eux-mêmes dans la recherche.

Il faut alors avoir recours au FNRS ou à BKF; mais il y a tellement de demandes que ça ne peut absolument pas couvrir toutes les recherches. Ce qui implique que d’excellents projets sont recalés. Pour obtenir une bourse, il faut donc être le meilleur des meilleurs et viser l’excellence absolue.

  • En quoi la médecine pédiatrique est plus complexe que la médecine pour les adultes ?

Elle est plus complexe parce qu’il y a moins de cas et c’est donc moins facile de faire les mêmes recherches. Par exemple, s’il faut prélever des échantillons sur une tumeur très répandue, c’est plus aisé que sur un type de tumeur beaucoup plus rare.

Il y a aussi le fait qu’il faut que chaque médicament soit adapté à l’enfant selon sa tranche d’âge. Il ne s’agit plus de diviser par 3 la dose pour adulte comme on faisait à l’époque… Et concernant les tests de ces médicaments, c’est très compliqué aussi, car les enfants ne peuvent pas être témoins.

  • La Belgique est-elle bonne élève en matière de recherche pédiatrique ?

Clairement oui. Le pays a une bonne réputation au niveau de la recherche en général. On a de très bons médecins qui ont parfois des renommées internationales. Malgré notre petite taille, on peut certainement dire qu’on joue dans la cour des grands.

  • Comment peut-on aider BKF et, par cela la recherche pédiatrique ?

Notre capital ne nous permet pas de financer toutes nos bourses. C’est pour cela qu’il faut récolter des fonds de diverses manières : organisation d’événements de «fundraising», dons, legs, sponsors…

Par exemple, certaines associations récoltent des dons pour nous ; ce qui permet parfois de financer jusqu’à une bourse complète (cf. asbl Arthur Forever). Des fondations et, bien-sûr, le grand-public, nous soutiennent également. Il est aussi possible d’organiser de petites actions et de nous donner ensuite les fonds récoltés. Les legs, quant à eux, sont de plus en plus courant ; il s’agit d’inclure BKF sur son testament. Mais ce sont surtout les gros événements que nous organisons (financés par des sponsors) qui rapportent le plus. Le prochain aura lieu le 4 octobre 2019 : « Belgian Kids’ Fund Golf Trophy » ; avis aux amateurs !

 

→ Pour faire un don à l’asbl (déductible fiscalement à partir de 40€) :
BE20 3101 2668 8756 avec la communication libre « don pour la recherche »

 

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Coup de projecteur sur Les Clowns à l’Hôpital, un métier « drôlement sérieux »

Le 2 avril 2019, à l’accueil de l’hôpital Erasme, Hospichild avait rendez-vous avec trois personnalités hors du commun ; des clowns qui, de prime abord, n’en avaient pas l’air. Un petit détail les trahissait néanmoins : l’humour. Direction le service de pédiatrie hospitalière pour une entrevue décoiffante avec trois des huit membres de l’association Les Clowns à l’hôpital : Catherine Vanandruel (Zuzut), Thierry Boivin (Biscuit) et Carine Limbosch (Marie Bernique).

Inspirés par le Rire Médecin à Paris et par les Docteurs Zinzins à Bruxelles, Les Clowns à l’hôpital sont nés en 1995 et sont soutenus par la Commission Communautaire française. Depuis plus de 20 ans, les clowns de l’association tentent d’ « apporter de la tendresse, de la fantaisie et du rêve dans les services de pédiatrie sans pour autant vouloir décrocher le rire à tout prix. » Ils tentent aussi, depuis toutes ces années, de légitimer au maximum leur pratique. Et ils ont en partie réussi grâce, notamment, à leur code de déontologie, à la charte des clowns à l’hôpital qu’ils ont rédigé et enfin, au travers des différents écrits publiés par le réseau Art et Santé ; « un canal fiable » qui leur permet de faire passer leurs idées, leurs réflexions et leurs questionnements.

  • Quel est l’objectif premier des Clowns à l’hôpital ?

T : J’ai lu un article il n’y a pas longtemps écrit par un membre du Rire Médecin, une association française qui existe depuis les années 90’, dans lequel il fait la différence entre ‘to care’ et ‘to cure’. On n’est pas là pour soigner les enfants, mais pour prendre soin d’eux. On fait en sorte de leur apporter un petit quelque chose qui leur permettra de ne plus se sentir juste malade, car ce sont avant tout des êtres humains ; des enfants avec qui on peut passer un bon moment. Il ne s’agit plus du tout de les nommer selon leur pathologie ou selon leur numéro de chambre.

CL : En plus de ça, il y a aussi le fait d’aller à la rencontre de l’enfant ; on va chez lui, dans sa chambre. Aller à sa rencontre, c’est ne plus se soucier de sa couleur de peau, de sa maladie ou de quoi que ce soit d’autre. On offre alors un espace pour que cette rencontre se passe le mieux possible ; on fait en sorte que l’enfant vive un moment ‘autre’. L’espace d’un petit moment, on ramène la vie à l’intérieur, on fait un pont avec l’extérieur ; de là où l’enfant vient et là où il va retourner… on l’espère. On lui demande « qui es-tu ? » et le clown permet de créer un lien et de faire cette découverte. Quand ça se passe, c’est magique ; c’est beau.

  • Même si on sait que votre rôle s’assimile davantage à de l’accompagnement qu’à de la thérapie, et qu’il ne peut en aucun cas être associé à de l’art-thérapie, en quoi votre métier est-il néanmoins bénéfique sur la santé des enfants ?

T : En effet, un philosophe (ndlr : Jean-Michel Longneaux) expliquait justement qu’à partir du moment où on se dit qu’on va faire de la thérapie, c’est à ce moment-là que ça ne marche pas. Mais il faut quand même garder en tête qu’on guéri mieux un enfant qui est heureux. 

CL : Le clown va permettre à l’enfant de se libérer de certaines craintes, de peurs, de colères… Et retrouver une meilleure assurance en lui-même qui lui permettra alors de mieux affronter une maladie.

T : La semaine dernière par exemple, on est allé dans une chambre pour voir un enfant qui ne parlait pas. On nous avait prévenus, mais on essayait de ne pas montrer qu’on savait. Alors on a commencé à rigoler, à déconner, et de temps en temps on lui posait quand même des questions. Il y avait sa maman à côté de lui et on a demandé : « C’est qui elle, c’est ta sœur ? » Et à ce moment-là, il a essayé de parler, mais ça ne sortait pas. Au bout d’un temps, il a quand même réussi à dire maman. Là, on s’est senti un peu magicien.

CV : C’est ce qu’on appelle les as des moyens détournés… C’est sûr que quand il y a des retombées thérapeutiques, on ne va pas les refuser. Si c’est le cas, tant mieux. Comme on dit : « Avec prudence, de surcroît » ; c’est-à-dire que c’est inattendu pour nous, mais si ça arrive, on est très contents évidemment. Maintenant, c’est sûr que l’intention n’est pas là ; ce n’est pas notre objectif premier.

  • Êtes-vous toujours bien reçus par les enfants ou les familles ?

T : Parfois, on nous dit non. C’est arrivé il n’y a pas longtemps, un enfant nous a vu arriver et il a dit qu’il ne voulait qu’on rentre. Alors on reste devant la porte et on a quand même insisté un peu, en rigolant, pour voir s’il ne changerait pas d’avis. Dans ce cas, la raison de son refus était de dire : « Tout le monde rentre chaque fois dans ma chambre et j’ai le droit de refuser ». Nous lui donnons donc le pouvoir en lui disant qu’il a tout à fait le droit et, même si on négocie un peu, on finit par s’en aller.

CV : C’est sûr qu’on est à l’écoute de l’enfant. S’il ne veut pas, on ne va pas lui imposer une visite ; ce serait antinomique. Mais souvent on joue un peu avec ce « non ». Et, pour les gens qui assistent à la scène, c’est souvent drôle. Parfois alors, un non se transforme en oui.

  • Décrivez-moi une « intervention – type » auprès des enfants hospitalisés. Comment cela se passe-t-il concrètement ?

T : Souvent, on regarde d’abord le papier qu’on nous distribue à notre arrivée et qui reprend les âges, noms, prénoms et pathologies des enfants. On consulte cela avant nos visites pour savoir plus ou moins à qui on va s’adresser. Si l’enfant à 3 mois ou 17 ans, on ne se préparera pas forcément de la même manière. Ensuite : approche et tentative d’échange.

CL : Quand on est dans l’instant, il y a toujours quelque chose qui arrive. Si on est touché et qu’on s’empare de cette émotion pour la partager avec les autres (enfant, parents ou partenaire), alors c’est très souvent juste parce que c’est le vécu de ce moment-là. Quand on arrive vers ça, c’est magique. Et si je réussis à faire confiance à mon clown, à mon personnage ; si je le laisse vivre et s’exprimer à cet instant précis, l’autre va forcément entrer dans le jeu.

  • Si je comprends bien, l’idée n’est donc pas de créer un canevas de jeu trop rigide qui ne ferait que brider les émotions…

T : Oui c’est ça, mais après on a quand même ce qu’on appelle des « lazzis » ; des thèmes qu’on peut réutiliser pour baser nos impros. Par exemple, quand un enfant a peur, on fait des bulles et ça détend un peu l’atmosphère.

CV : La scénarisation des clowns n’est pas figée et peut varier selon que l’enfant est à l’aise ou pas. Mais il faut quand même avoir des choses un peu préparées pour avoir toujours quelque chose à dire. Ensuite, l’impro prend le relais et c’est ça le propre de l’art clownesque. Il faut risquer des choses pour que ça devienne non conforme.

  • Est-ce que les émotions n’ont pas tendance à aller trop souvent au-delà du nez rouge en touchant les êtres humains que vous êtes ?

T : Quand on joue devant des enfants qui sont dans des services de soins palliatifs, c’est souvent plus dur émotionnellement et ça m’aide énormément d’être en costume ; dans mon personnage. Je suis dans la relation et je ne pense plus à mes sentiments personnels. C’est plus simple.

CL : C’est tout le travail d’entrer dans le personnage. Et c’est sûr que le masque, ou plutôt le nez, aide beaucoup à y parvenir. Il faut aussi un temps de préparation avant de commencer nos visites. Une petite heure qui nous permet de quitter notre personnage social pour entrer dans celui de clown. Les deux partenaires doivent aussi se dire bonjour et se mettre en relation pour que ça se passe au mieux devant les enfants.

  • Quels types de formations avez-vous dû suivre ? D’un côté pour être clown et de l’autre pour intervenir auprès des enfants malades ?

CL : Nous sommes constamment en recherche. On a régulièrement des journées de formations, toute l’équipe, pour travailler les duos, pour s’exercer à des petites pratiques qui rendent l’impro plus lisible pour le public ….

T : Nous avons tous les deux suivi une formation théâtrale à l’école internationale LASSAAD à Saint-Gilles. La pédagogie enseignée se base sur les préceptes décrits par Jacques Lecoq, un grand maître du geste. Ensuite, si on veut être clown à l’hôpital, il faut se mettre à la page des pratiques d’hygiène notamment ; il faut aussi comprendre comment fonctionne le milieu hospitalier, s’habituer à entrer en contact avec des enfants malades…

CV : Mais pour le moment, aucune formation de clown à l’hôpital n’est prévue en Belgique. La transformation d’un clown vers un clown hospitalier n’est pas encore officielle. La pratique s’apprend sur le terrain auprès d’un clown expérimenté. J’ai déjà pensé à mettre en place une formation digne de ce nom, comme il en existe déjà en France, mais la tâche est compliquée. D’abord d’un point de vue politique, et ensuite parce qu’il faudrait d’abord réussir à se mettre d’accord entre les différentes associations pour définir ce qui pourrait être mis en place.

On voudrait constituer une Fédération, mais c’est long et compliqué. Si ça se concrétise, ce sera alors la Fédération des clowns hospitaliers qui pourra mettre en place une formation. Une autre idée serait de faire intervenir des clowns dans le processus de formation des infirmiers par exemple. Ça rendrait les deux disciplines un peu plus poreuses.

  • Justement, est-ce que vous entretenez de bonnes relations avec le personnel soignant ? Avez-vous parfois l’impression de déranger ?

T : Dans 90% des cas, cela se passe dans une belle dynamique.

CV : La plupart des lieux où nous travaillons ont donné leur accord il y a plus de 20 ans. Mais au jour le jour, il faut parfois retrouver la confiance de certains membres du personnel.

CL : Certains jours, on arrive dans des moments où il y a énormément de travail avec du personnel qui court dans tous les sens ; il arrive qu’on ait l’impression de déranger. Mais dans ces cas-là, on s’adapte ; on laisse la priorité aux soins et on évite certaines chambres.

  • Est-ce que votre métier est à présent mieux reconnu qu’à l’époque ? Êtes-vous considérés comme plus légitimes aujourd’hui qu’avant ?

CV : C’est certain qu’en 95’ quand on a commencé on était parmi les premiers à faire ce métier et on sentait bien que les gens se disaient ‘C’est quoi ces zigotos ?’. Il y avait un engouement média aussi ; tout le monde était assez curieux de savoir ce que nous faisions. Ensuite on s’est fait accepter petit à petit. Car ce qu’on fait est quand même sérieux ; on est sérieusement drôles en fait. Mais on a quand même mis un peu de temps à trouver notre place et définir les moments les plus opportuns pour aller dans les chambres.

Avant, notre métier était considéré comme quelque chose d’un peu magique et mystérieux. Maintenant, on a une place plus établie ; on n’est pas glorifié, mais on n’est pas non plus sous-estimé. En tout cas, notre pratique est à présent tout à fait légitimée.

 

Sans crier gare, Thierry mit tout à coup ses cheveux en l’air. Une manière détournée et clownesque de dire que l’interview est finie ou tout simplement une irrésistible envie d’entamer sa transformation ; de passer de Thierry à Biscuit, son clown.

Il est donc temps de les laisser se préparer…

Quelques minutes plus tard, les voilà tout à fait déguisés : nez rouge au milieu du visage, coiffures déjantées, vêtements dépareillés et colorés… Leurs personnalités « civiles » sont restées en coulisse et les voilà rieurs, blagueurs et pleins de mimiques. De vrais clowns en somme.

Du fond de la salle de jeux, un enfant les aperçoit et sourit. La machine clownesque se met en marche et la relation est immédiate. Biscuit lui demande son prénom et l’impro s’enclenche immédiatement. Avec son ukulélé, il invente un air et des paroles. Puis, les clowns s’éclipsent en marche arrière tout en lui adressant un dernier signe de la main. Les visites « drôlement sérieuses » dans les chambres des enfants peuvent alors débuter.

 


Les Clowns à l’Hôpital en pédiatrie

Le lundi après-midi au CHU Saint-Pierre (Rue Haute, 322 – 1000 Bruxelles)
Le mardi après-midi à l’Hôpital Erasme (Route de Lennik, 808 – 1070 Anderlecht)
www.clowns-hopital.be
www.facebook.com/clowns.hopital
0476 24 74 58

 

 

 

Soins aux enfants paralysés cérébraux : dissensions accrues entre kinés

Interviewé dans les locaux d’Hospichild, Sébastien Vanderlinden, kinésithérapeute pédiatrique et chercheur freelance en Neuro(Ré)Habilitation à l’ULB, s’est confié sur une des réalités de son métier : les désaccords entre professionnels sur les différents moyens et thérapies à prodiguer aux jeunes patients avec une paralysie cérébrale infantile (PCI). Des dissensions en recrudescence depuis quelques années, qui ne sont pas sans conséquence sur la confiance que les parents accordent tant aux praticiens, qu’aux thérapies disponibles.

« Les thérapies dispensées aux enfants avec PCI sont très variées. Si certaines restent légitimes au fil du temps, d’autres, pas forcément attendues, sont parfois mises en doute. D’autres encore se prétendent novatrices sans l’être… À ce propos, beaucoup de questionnements émergent chez les professionnels concernés et aboutissent parfois à des conflits plus ou moins virulents pour savoir qui détient la vérité. Récemment, ce contexte plutôt tendu a commencé à intéresser plusieurs instances régulatrices. Il n’est donc pas impossible que le dossier vienne à se politiser. » Les mots de Sébastien Vanderlinden, qui consacre actuellement une étude sur le sujet, sont sérieusement pesés et valent certainement la peine qu’on s’y attarde.

Dans cet article, l’accent sera particulièrement posé sur une des thérapies qui divise littéralement des professionnels : le Bobath-NDT (Neuro-Developpemental Treatment. Les pros et les antis se livreraient, surtout depuis 2013 (date de publication d’une étude qui pointe l’absence de preuve scientifique de son efficacité), à des débats mondiaux sur la question.

Au milieu de ces tiraillements, certains parents se demandent comment faire les bons choix pour leur enfant. Entre une perte de confiance envers certaines pratiques et des réactions plus extrêmes telles que l’exode/shopping thérapeutique, les familles ne savent plus toujours à qui (ou à quoi) se raccrocher pour venir en aide à leur enfant. Certaines restent cependant très confiantes de leurs choix.

Débats houleux sur le « Bobath-NDT »

Les désaccords à propos du concept Bobath-NDT sont présents à tous les niveaux : entre prestataires de soins, entre cliniciens, entre universités, entre professeurs… Des discussions qui durent depuis un bon bout de temps et au sein desquelles ils défendent leurs points de vue et savoirs en regard des recommandations d’origines diverses.

En 2013, le fossé s’est creusé encore un peu plus. Une étude importante (revue systématique) est parue et a, en quelques sorte, bousculé la légitimité de la technique. Le principal argument était de dire que l’efficacité des soins appliqués ne serait pas avérée et qu’il existerait des soins plus adéquats.

« Cela a été terrible », se rappelle S. Vanderlinden. « Certains praticiens continuent évidemment à pratiquer le Bobath-NDT et d’autres se sont mis à les montrer du doigt en disant : ‘Mais vous n’avez pas vu l’étude de Novak ? ça ne sert plus à rien ce que vous faites…’ Cette attitude est vraiment problématique, car les parents pourraient se mettre à douter et ne plus savoir ce qui est bon ou pas pour leur enfant. Le référentiel et la confiance envers les professionnels divers s’en trouvent brouillés. »

Des parents en perte de confiance

En réaction à ces dissensions (qui ne sont pas tout à fait nouvelles), certains parents, qui ne savent plus où donner de la tête pour offrir les meilleurs soins à leurs enfants, font appel à des pratiques de plus en plus diverses.

Par exemple, et c’est quelque chose de cyclique qui existe depuis 60 ans, les familles vont parfois à l’étranger (Hongrie, Barcelone, USA…) pour recourir à des techniques soi-disant révolutionnaires, mais souvent peu orthodoxes. Ou encore, ils emmènent leurs enfants dans des centres privés au sein desquels les séances sont extrêmement onéreuses et pas toujours aussi bénéfiques que prétendu.

Mais tout le monde ne sait pas se payer de tels soins. Alors, certains parents décident de constituer des asbl ou fondations pour rassembler des fonds et avoir recours, comme les plus riches, à tous les soins possibles pour leur enfant. « Il persiste cependant un décalage entre les besoins, (re)connaissances et les moyens ».

Pour remédier à cela, « les cliniciens devraient essayer de redonner confiance aux parents en les informant au mieux sur toutes les conséquences possibles, sur les techniques qui existent et, surtout, en leur avouant qu’ils ne savent pas toujours tout. »

Mieux définir la technique pour mieux l’étudier

Le kiné et chercheur voudrait, dans l’intérêt de tous, que la polémique autour du Bobath-NDT s’apaise. C’est pourquoi il a décidé de consacrer, sur les recommandations du KCE notamment, une étude universitaire sur le sujet.

Il procède actuellement à la validation scientifique des moyens de décortiquer tous les actes pratiqués dans les séances Bobath-NDT afin que de prochaines études puissent analyser plus précisément ce qui est efficace ou non.

« Pour certains, il manque des éléments pour bien défendre l’utilité de la technique. Ce qui est assez logique puisqu’on ne sait pas réellement ce que c’est ou les actes exacts qui y sont pratiqués. Sauf, bien sûr, ceux qui s’y sont formés et qui suivent les recyclages, ainsi que les enseignants qui protègent leurs acquis et qui ne partagent pas facilement l’information. Pour certains, c’est aussi une grosse partie de leurs revenus… Ils gagnent 2x mieux leur vie en enseignant le Bobath-NDT qu’en pratiquant la kiné pédiatrique. »

Le « Bobath-NDT », c’est quoi au juste ?

La technique « Bobath », appelée aussi N.D.T., est une thérapie neurodéveloppementale qui apporte à l’enfant, souvent avec un retard (permanent ou non) de développement neuromoteur plus ou moins important, des gains précieux pour une meilleure qualité de vie.

Ce mode d’évaluation et ce traitement (différent pour chaque enfant) cherche notamment à améliorer le tonus pour un meilleur mécanisme postural; ce qui lui permettrait d’avoir de nouveaux points de repère et par cela de se mouvoir plus harmonieusement ou d’avoir un meilleur équilibre. À condition toutefois de maintenir une régularité soutenue du suivi thérapeutique.

La technique est née en 1943 à Londres (définie par le couple Bobath) et est désormais (re)connue internationalement. En Belgique, l’ABBV, située à Bruxelles, est l’unique organisation reconnue par l’association Bobath internationale. Elle enseigne le concept Bobath-NDT, soutient les thérapeutes et dispose d’un centre de thérapie pluridisciplinaire.

« Neuroréhabilitation fonctionnelle et intensive »

La régularité et l’intensité des soins sont donc essentielles chez les enfants PCI. C’est pourquoi, il y a quelques années de cela, des camps intensifs de neuroréhabilitation fonctionnelle ont vu le jour sur notre territoire. Ces derniers s’inscrivent pour l’instant dans la recherche clinique et sont organisés par les universités (KUL, UGent, UCL…). De ce fait-là, ils ne sont pas coûteux. Et heureusement d’ailleurs, car, selon S. Vanderlinden, ils ne sont pas près d’être remboursés. Pour le politique, les séances quotidiennes (de 30 à 60 min) auxquelles ont droit ces enfants sont suffisantes…en fonction des budgets disponibles.

La technique de soins utilisée lors de ces camps est souvent le Bobath-NDT, mais le terme est de moins en moins employé depuis la polémique de 2013.

En un court temps donc (2/3 semaines), les enfants PCI gagnent objectivement en autonomie, mais la question qui reste en suspens, ce sont les besoins à long terme… Il faudrait augmenter et intensifier les séances quotidiennes ; et ce, même à l’âge adulte et en ajustant les modalités.

Séances remboursées

Actuellement, maximum 1 heure de kiné par jour est remboursée pour les soins aux enfants PCI, mais, pour S. Vanderlinden, il faudrait clairement plus. Il faut que l’intensité présente dans les camps devienne les soins généraux, car les conséquences sont réellement positives. Cela passe avant tout par un meilleur financement de la recherche, de la kinésithérapie et de son enseignement.

« Les nantis peuvent payer plus d’heures à leurs enfants et leur proposer plus de techniques non remboursées. D’autres parents, plus juste financièrement, n’emmènent leur enfant que 2-3x par semaine chez le kiné. On parle beaucoup, surtout en Wallonie, de discrimination entre personnes handicapées ET non handicapées et on oublie souvent de parler des inégalités ENTRE les personnes handicapées. Un constat qui a déjà été rapporté à CAP48. »

 

 

Pour toute question, renseignement ou contribution/collaboration :

Sébastien Vanderlinden
Research in PT & Neurorehabilitation
sebastienvanderlinden@gmail.com
https://www.noldus.com/blog/effectiveness-physical-therapy-sessions 
Skype sur RDV : svdl1234