Le jeudi 6 décembre dernier au Parlement francophone bruxellois, la Fédération Bruxelloise des Soins Palliatifs (FBSP) interpellait les parlementaires au sujet des soins palliatifs pédiatriques (SPP) en Région bruxelloise. Suite aux présentations et aux mises en garde des intervenants quant aux criants manquements dans le domaine, André Du Bus (CDH), Serge de Patoul (Défi), Martine Payfa (Défi), Magali Plovie (Ecolo), David Weytsman (MR) et Jamal Ikazban (PS) ont pu s’exprimer, s’étonner, poser des questions et enfin proposer leur aide pour que les choses puissent s’améliorer.
« Le sujet des soins palliatifs pédiatriques est particulièrement chargé émotionnellement, car ce n’est pas dans l’ordre des choses. Un enfant qui tombe gravement malade emmène tout son entourage, sa famille, ses copains, son école… avec lui dans son combat. Les parents portent à bout de bras le poids de la maladie ; autant d’un point vue financier, qu’émotionnel.»
D’où l’intérêt vital d’améliorer l’offre de répit pour les proches. Les parlementaires doivent l’entendre !
Des mots engagés et lourds de sens de la part de Julie De Groote, présidente du Parlement Francophone bruxelloise, qui a lancé officiellement le jeudi de l’hémicycle consacré aux soins palliatifs pédiatriques en Région de Bruxelles-Capitale.
Vinrent ensuite les présentations de quelques acteurs importants du secteur, ainsi que le témoignage poignant d’une maman endeuillée ayant bénéficié de l’aide et du soutien de l’équipe de liaison pédiatrique des Cliniques universitaires Saint-Luc nommée « Interface ». Elle a principalement tenu à remercier l’équipe de son dévouement et de lui avoir permis de ne plus penser qu’aux bons moments à partager avec son enfant.
Interventions des membres du groupe de travail SPP de la FBSP
D’entrée de jeu, le Dr Dominique Bouckenaere, présidente de la FBSP, annonçait la couleur :
Notre objectif est que tous les enfants atteints d’une maladie chronique complexe puissent bénéficier, en fonction de leurs besoins, de soins et d’accompagnement de qualité, dispensés par un réseau de professionnels compétents, et puissent être soignés dans leur lieu de vie, si tel est leur souhait ainsi que celui de leur famille.
Cette vision claire, sans détour et longuement réfléchie par les membres du groupe de travail SPP de la FBSP est le fil rouge de l’ensemble des interventions.
Grâce à la présentation de l’étude sur le « Recensement du nombre d’enfants atteints d’une maladie chronique complexe en Région de Bruxelles-Capitale », par Marie Friedel, chercheuse à l’Institut de recherche Santé et Société, des chiffres concrets ont permis de mieux se rendre compte de l’ampleur du problème. En effet, seuls 1,7% (348 sur 22.533) des enfants/ adolescents hospitalisés et atteints d’une maladie chronique complexe ont bénéficié d’un suivi par une des deux équipes de liaison pédiatrique basée sur Bruxelles.
Il existe, en région de Bruxelles-Capitale, un nombre important d’enfants avec une maladie chronique complexe qui ne sont actuellement pas suivis par une équipe de liaison pédiatrique.
Ensuite, les autres interventions avaient pour vocation de présenter les diverses possibilités d’hébergement, d’aide, de suivi ou encore d’accompagnement accessibles pour les enfants gravement malades à Bruxelles.
– Équipes de liaison pédiatriques : Pr Bénédicte Brichard, médecin responsable de l’unité d’Hémato-oncologie (Cliniques universitaires Saint-Luc)
– Infirmières de première ligne : Marion Faingnaert, Arémis asbl
– Structures d’hébergement en soins palliatifs pédiatriques : Jordaan Pollet, infirmier coordinateur de Villa Indigo asbl (Maison de Répit Bruxelles-Capitale) et Christine Collard, coordinatrice générale de la Cité Serine asbl (Hôtel de soins)
– Institutions pour enfants malades et handicapés : Danielle Van Den Bossche, Directrice du Creb asbl (Woluwe)
[Pour en savoir plus sur ces structures, consultez le fascicule rédigé pour l’occasion par la FBSP : ici ]
Le Dr. Christine Fonteyne, médecin responsable Globul’Home (HUDERF), a résumé ce que l’ensemble des intervenants souhaitent de la part des parlementaires :
- Reconnaître la spécificité des soins palliatifs pédiatriques
– Valorisation des soins et de l’accompagnement dans la nomenclature INAMI
– Faire en sorte qu’il y ait un statut spécifique à la pédiatrie
- Étoffer les équipes de liaison pédiatriques
– Revoir l’enveloppe budgétaire (fermée en 2010)
– Augmenter les ETP dans les équipes et la multidisciplinarité
- Soutien psychologique plus poussé pour enfants et familles
– Instaurer un statut palliatif pour les psys
– Renforcer l’offre psychologique dans les équipes de liaison
- Accompagnement social à améliorer
– Élargir le réseau
– Plus d’offre de logements adaptés (lutte contre la paupérisation de la population)
- Augmenter l’offre de répit et surtout celui à domicile
- Valoriser les alternatives aux soins à domicile et à l’hôpital (Middle Care)
- Favoriser l’information au public via les outils existants (FBSP, Palliabru, Hospichild, SAM, BPPC, Fondation contre le cancer, mutualités…)
- Imposer une formation initiale aux futurs professionnels concernés par les SPP et valoriser les formations continues
Questions/propositions des parlementaires
Au sein de l’hémicycle, les parlementaires étaient tous très touchés par les propos des intervenants. Certains ont à peu près découvert la problématique et d’autres ont plutôt approfondi leurs connaissances. Dans tous les cas, ils ont exprimé leurs impressions et avancé quelques questions ou propositions concrètes.
Pour commencer, Martine Payfa (Défi) a déclaré : « J’ai été très touchée par le témoignage de la maman… Je suis également très sensible aux demandes exprimées. J’entends bien tous les problèmes et j’ai quelques questions à poser : ‘L’enveloppe budgétaire concerne l’ensemble des soins palliatifs ; comment faites-vous pour déterminer la part qui revient aux SPP ?’ ‘J’ai lu que vous allez consacrer 50.000 euros à une campagne de sensibilisation… Est-ce réellement une priorité ?’ Il y a en ce moment une pénurie de médecins généralistes et d’infirmiers, comment faites-vous face à cela ? »
Serge de Patoul (Défi) s’est ensuite étonné d’une chose : « Vous avez peu ou pas parlé de l’épuisement psychologique des professionnels ; j’en suis réellement interpellé ! »
« On y a bien évidemment pensé ! » s’est exclamée C.Fonteyne. « Nous avons mis en place une supervision des équipes de liaison afin justement de pallier cela. Cette supervision est absolument indispensable et si on ne le fait pas, on court littéralement à la catastrophe ! »
Magalie Plovie (Ecolo) a fait une série de propositions concrètes aux intervenants : « J’ai été sidérée par les chiffres présentés lors de l’étude ; comment pouvons-nous vous aider par rapport à cela ? En outre, un soutien à l’information et à la formation des professionnels sera certainement étudié.»
Il faut absolument que l’institutionnel se mette enfin au service de la population ; l’urgence est d’améliorer la concertation et de simplifier le côté institutionnel afin d’allier les forces de tous les niveaux de pouvoirs. Cela permettra peut-être d’éviter à l’avenir les vides juridiques et budgétaires !
Du côté du CDH, André Dubus a exprimé son malaise : « On est à la COCOF et je suis triste de vous dire que nous sommes assez démunis face à vos demandes, car la reconnaissance du statut palliatif pédiatrique, par exemple, est une compétence du Fédéral… Je ne pense pas que quelqu’un ici souhaite une 7e réforme de l’État, alors il faut faire avec ce qu’il y a. Je vous conseille donc de saisir le Sénat. En général, les rapports produits par le Sénat ont assez bien d’impact. Il faut également penser à mettre le sujet dans l’agenda d’IrisCare ; une toute nouvelle structure de concertation qui va voir le jour dans quelques semaines à Bruxelles. »
En effet, C. Fonteyne admet connaître les limites de la COCOF, mais espère que celle-ci pourra être le porte-parole de cette « lutte » et même aiguiller les acteurs des SPP dans les méandres institutionnels.
« Nous sommes d’ailleurs tout à fait prêt à saisir le Sénat si vous nous y aidez ! » a ajouté Bénédicte Brichard, médecin responsable de l’équipe de liaison pédiatrique rattachée aux Cliniques universitaires Saint-Luc.
Didier Vander Steichel, le directeur général de la Fondation contre le Cancer, a ensuite rebondi sur l’intervention d’A. Dubus en disant :
Il faudrait également inscrire le sujet dans les programmes politiques en vue des prochaines élections !
David Weytsman (MR) a alors pris la parole tout en prévenant du fait qu’il n’est pas du tout spécialiste en la matière. Il voulait surtout savoir ce que la COCOF pouvait concrètement faire pour les aider : « Pour faire connaître et reconnaître les SPP, voulez-vous qu’on organise et qu’on finance une campagne de communication ? Pour valoriser les SPP, est-ce que des rapports doivent se faire plus régulièrement ? Est-ce que des députés doivent se déplacer dans vos institutions ? Par rapport au renfort des équipes, est-ce qu’on peut avoir les chiffres ? Est-ce dû à un sous-financement ? … »
Enfin, Jamal Ikazban (PS) a clos la prise de parole des parlementaires par un témoignage sur sa propre expérience comme père d’un enfant qui a été soigné d’un cancer. « Le monde s’écroule quand vous êtes touchés dans votre chair ; c’est seulement à ce moment-là qu’on se rend réellement compte… Je suis tout à fait d’accord de dire qu’il faut soigner jusqu’au bout du bout. En tout cas, quel que soit le temps passé dans les hôpitaux, il faut que chaque jour soit le meilleur possible.»
Les enfants ont le droit de vivre et de mourir dans la dignité.
Après quelques riches interventions de l’assemblée, dont notamment la demande d’introduction du sujet des SPP dans les cursus infirmier et de médecine (qui, selon André Debus ne pourra pas se concrétiser par le biais politique, mais bien en interpellant directement les Académies qui déterminent les programmes universitaires…), Julie De Groote a mis un point final à ce jeudi de l’hémicycle en concluant : « C’était magnifique ; on a appris et avancé. Ce sera certainement très utile ! »