Depuis quelques jours, Yapaka, programme de prévention de la maltraitance (initié par le Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles), est montré du doigt par plusieurs associations de parents d’enfants handicapés. Au sein de deux vidéos publiées par la plateforme, un pédopsychiatre « reconnu » tient un discours considéré comme « biaisé, insultant et discriminant ». Bien décidés à ne pas laisser passer de tels propos, le GAMP, l’Université des Femmes, l’asbl Tom, Scott & Compagnie et l’asbl Inforautisme ont rédigé un courrier incendiaire à l’attention des ministres concernés.
« Aux yeux de nombreuses personnes et experts, Yapaka apparaît comme une plateforme de propagande psychanalytique masculiniste. » Une accusation forte qui figure dans la lettre de réclamation remise le 23 mai dernier aux représentants des Ministres Rachid Madrane et Alda Greoli. Les signataires ont également pu s’entretenir longuement avec eux afin d’expliquer clairement les raisons de leur mécontentement et ce qu’ils souhaitent obtenir : « Nous demandons la suppression immédiate des vidéos citées dans ce courrier et une révision en profondeur des propos et messages de ce service pour ce qui concerne les femmes en général et les mères d’enfants handicapés en particulier, ainsi que le respect de la pluralité des approches. »
Des propos « durs à entendre »
Ce soulèvement contre Yapaka, qui n’est pas le premier (on en reparle plus bas), est dû à deux vidéos récemment diffusées sur le site de la plateforme. Le pédopsychiatre Roger Salbreux, « expert reconnu » selon Yapaka, mais qui pratiquait dans les années 50/60, accuse les mères, soit de détester leurs enfants handicapés et donc de les maltraiter, soit de les ‘surinvestir’ excessivement et donc de les empêcher de se développer par l’anticipation de leurs besoins. Il dit aussi : « La relation entre la mère et son enfant, du fait de sa dépendance, entraîne des soins de proximité tellement excessifs qu’on est presque dans un inceste imaginé. » Des propos très polémiques et impossible à encaisser pour les parents à la base des plaintes.
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Au sein de l’émission radio « Les Bonnes ondes » sur Bel RTL, Luc Bolan, papa d’un enfant handicapé et fondateur de la Fondation Lou, tente d’expliquer pourquoi ce discours pose problème : « Au sein de ces vidéos, le pédopsychiatre fait une généralité de cas qui peuvent exister, mais qui sont réellement minoritaires. Il fait preuve d’une maladresse inacceptable dans ses propos et ne reconnaît absolument pas la compétence des parents. C’est très dur à entendre ! »
Yapaka reconnaît en partie son erreur
Contactée par le journal Le Soir, la coordinatrice de Yapaka, Claire-Anne Sevrin, affirme que l’objectif n’était pas du tout de malmener les parents d’enfants porteurs de handicap et qu’au contraire, le soutien à la parentalité est au cœur de leurs missions. Même si, pour elle, la vidéo est sortie de son contexte, elle avoue que la plateforme est justement en train de travailler à l’insertion d’un message d’avertissement en début de vidéo pour prévenir qu’il est question d’un cas clinique particulier et non pas d’une généralisation. Elle ajoute ensuite que « Yapaka donne la parole à des experts d’horizons très différents avec des opinions variées qui suscitent parfois les débats; ce qui est sain. À condition que cela ne jette pas l’opprobre sur tout le reste. »
Déjà montré du doigt par le passé
Des débats, c’est vrai qu’il y en a déjà eu plusieurs à propos des diffusions de la plateforme. En 2012 par exemple, l’association Inforautisme avait épinglé les propos contenus dans certaines vidéos explicatives de l’autisme. Parmi celles-ci, une vidéo du Pr. Delion prônant le « packing », une pratique controversée et désormais interdite, comme thérapie des cas d’autisme les plus graves. Vidéo qui a fini par être supprimée sous la pression. Plus récemment, en 2019, le Conseil des Femmes Francophones de Belgique avait interpellé Yapaka au sujet du traitement biaisé et dangereux de la pédo-criminalité et, plus largement, sur l’égalité des sexes dans la politique générale du service qui s’oriente clairement vers une propagation d’idées mensongères et défavorables aux droits des femmes. Aucune suite n’a encore été donnée à cette affaire.
Le Groupe d’Action qui dénonce le Manque de Place pour les personnes handicapées de grande dépendance et les autres associations espèrent, quant à elles, obtenir davantage de résultats. Sur son blog, le GAMP se réjouit discrètement :« Les plaintes sont remontées auprès des ministres. Ce n’est pas gagné, mais c’est un bon début ! »
→ Lire la lettre adressée aux ministres dans son intégralité